L’image du pays low cost colle à la peau de l’Espagne, et en particulier pour ses voisins français. Dont certains ne sont pas les derniers des radins.
Photo : AC/Equinox
« Les Français ? Ce sont les pires ! » Dans son salon de coiffure plutôt chic du quartier Gòtic, Marta prend désormais bien soin de détailler ses tarifs avant le passage au shampoing, sous peine de devoir subir de fâcheuses remarques au moment de l’encaissement. « Certains veulent payer ici la moitié de ce qu’ils paient en France et essaient de négocier à la baisse », raconte-t-elle, visiblement outrée. Soleil, plage et vie peu chère, c’est ce que viennent chercher beaucoup de touristes dans la capitale catalane.
Sauf que les prix espagnols ont presque rattrapé les prix français, après deux ans d’une inflation galopante. Et Barcelone, avec sa hausse des loyers de 80% en 10 ans, est devenue une ville particulièrement chère. « Barcelone n’est pas l’Espagne », rappelle Julie*, qui vient tout juste d’ouvrir son salon de beauté non loin du Passeig de Gràcia. « On s’en aperçoit vite quand on s’installe ici, avec les loyers notamment, le coût de la vie est très cher ici par rapport au reste de l’Espagne, poursuit la trentenaire originaire d’Occitanie, chaque fois que mes parents viennent me voir, ils sont très surpris des prix des restos et autres, il n’y a plus trop de différence avec le sud de la France ».
La jeune entrepreneuse doit parfois faire des efforts de pédagogie pour expliquer ses tarifs. « Je vois parfois des clientes très déçues car elles pensaient avoir des prix moins chers de 15 à 20% par rapport à la France ». L’image de l’Espagne des bonnes affaires a la vie dure. A tel point que des milliers de jeunes Français font de Barcelone leur destination de vacances dans l’espoir d’un séjour à petit prix. Avant de se confronter à la rude réalité : il faut débourser en moyenne 140 euros par nuit pour une chambre d’hôtel, un record, et les appartements touristiques suivent la même tendance.
« Très choqués des prix »
« On dirait qu’ils pensaient venir en vacances au tiers-monde et sont très choqués des prix », raconte Marie*, qui a passé son été à distribuer des flyers de boites de nuit sur les plages. « Ils me demandent des bons plans pour boire pas cher, mais il faut évidemment s’éloigner du bord de mer et des quartiers touristiques ». Mais une fois la réalité admise, et le « syndrome de Barcelone » surpassé, de nombreux jeunes Français continuent sur leur projet de vacances low cost et décident de dormir… à la plage.
Tout l’été, le front de mer de Barcelone s’est ainsi transformé en camping improvisé, avec des tentes plantées près des digues pour les moins discrets, des serviettes étendues et une nuit à la belle étoile pour les autres. Amine, un Français de 26 ans, a ainsi passé toute une semaine à dormir dans une tente Igloo sur le sable barcelonais. « Nous n’avons pas pu nous loger ailleurs, les endroits pas chers sont tous pleins », s’est-il justifié auprès de nos confrères d’El Periódico. Une logique hasardeuse, qui n’est vraiment pas du goût des riverains, déjà exaspérés par la tendance invasive des touristes sur l’espace public.
*Les prénoms ont été changés sur demande des intervenants, souhaitant garder l’anonymat.