Le monde du travail en Espagne peut parfois s’avérer impitoyable pour les Français expatriés. Entre un quotidien marqué par le sexisme, les inégalités salariales et des conditions de travail parfois précaires, s’expatrier professionnellement n’est pas toujours rose…
Le monde du travail en Espagne est parfois un long chemin semé d’embûches… (Photo de couverture : Vicente Zambrano Gonzalez)
L’expérience professionnelle de Pauline, une Française expatriée en Espagne depuis dix ans, est un témoignage poignant des difficultés rencontrées par ceux qui tentent de s’adapter à une nouvelle culture de travail. Avec une carrière de près de 15 ans dans la logistique et le commerce, Pauline a toujours évolué dans des milieux où les femmes sont sous-représentées. Mais c’est en Espagne, où elle a également travaillé dans l’automobile en tant que commerciale, qu’elle a été confrontée à un sexisme jamais vu auparavant. « Un client m’a dit une fois ‘ce n’est pas une femme qui va m’apprendre un plan d’entretien d’une voiture’ », se rappelle-t-elle avec amertume.
La situation s’est encore compliquée lorsqu’elle a tenté de s’implanter dans la région de la Catalogne, un marché qui valorise fortement l’appartenance locale. « Le fait que je ne sois ni catalane ni espagnole posait vraiment problème. On a finalement trouvé un commercial masculin catalan, et le business a explosé. Là, je me suis dit ‘waouh, on en est encore là’ », raconte-t-elle, visiblement désillusionnée.
Le poids du machisme dans le travail en Espagne
Pauline souligne également le machisme latent qui imprègne la culture du travail en Espagne… en particulier chez les hommes de 35 à 50 ans. Elle raconte : « Quand je vais sur des salons avec mon directeur des achats, les fournisseurs vont lui serrer la main, mais ignorent souvent ma présence, me prenant pour son assistante. Et si je m’engueule avec eux sur un sujet, ils appellent mon chef en se plaignant de mon comportement. C’est un truc de dingue. »
Ce machisme s’exprime aussi dans les négociations commerciales, où Pauline se retrouve souvent en position de faiblesse, surtout lorsqu’elle doit se déplacer dans des régions reculées pour rencontrer des fournisseurs. « Tu vas passer la journée autour d’une table à négocier sans qu’ils ne lâchent rien. Et puis, à 23h30, ils t’appellent à l’hôtel pour poursuivre les discussions autour d’un verre. C’est épuisant », déplore-t-elle.
Le dilemme du retour en France
Après dix ans en Espagne, Pauline envisage sérieusement de rentrer en France, un choix motivé aussi par des salaires jugés insuffisants par rapport aux responsabilités attendues. « On me propose 1900 euros par mois pour un poste exigeant, c’est inacceptable. À Barcelone, la vie n’est pas beaucoup moins chère qu’en France, et pourtant les salaires sont bien plus bas. »
Déjà « autonoma » à Barcelone, Pauline réfléchit à se mettre à son compte en France, une décision qu’elle prendrait plus facilement dans son pays natal, où elle se sent plus en phase avec le système administratif et fiscal. « En Espagne, même si tu ne fais rien, tu payes des cotisations sociales élevées. Je pense sérieusement à rentrer, car ici, je ne vois plus d’avenir professionnel pour moi », confie-t-elle. « J’aime beaucoup ma vie ici, mais si je veux m’épanouir professionnellement et gagner de l’argent, il va falloir que je rentre en France », conclut-elle.
Couverture sociale et congés insuffisants en Espagne
Le témoignage de Pauline reflète la frustration de certains Français face à une culture professionnelle qui peine à évoluer. Malgré le soleil et la qualité de vie qu’offre l’Espagne, on se heurte à des barrières culturelles et professionnelles qui freinent notre épanouissement. Ce fut aussi le cas pour Camille, qui a travaillé à Madrid et à Barcelone, avant de rentrer en France.
« Je souhaitais trouver une stabilité professionnelle et me rapprocher de ma famille », explique-t-elle pour justifier les raisons principales de son retour en France. « En Espagne, les salaires sont plus bas qu’en France et les salariés ont souvent moins d’avantage, comme la couverture sociale et les congés ». Un point qui l’a tout particulièrement rebutée. « J’ai noté que les salariés espagnols n’avaient pas une aussi bonne couverture sociale que les salariés français. Ils doivent payer leur assurance santé. Le salaire minimum est moins élevé qu’en France et les contrats de travail sont de 40h minimum. »
Camille a aussi été refroidie par un rythme de travail bien différent de ce que l’on connait dans l’Hexagone. « Les Espagnols prennent une pause plus tardive le midi et ont souvent des horaires aménagés l’été du fait de la chaleur », note-t-elle.
Au bout du compte, elle ne regrette pas son choix d’être rentrée au bercail. « J’ai aujourd’hui trouvé un poste qui me correspond, dans une entreprise dont je partage les valeurs », se réjouit-elle.
Les expériences de Pauline et Camille sont loin d’être isolées. Elles reflètent une réalité complexe, où les opportunités professionnelles cohabitent avec des défis culturels et structurels. Si l’Espagne reste une destination attrayante pour les expatriés, il est essentiel de garder à l’esprit que le succès professionnel ne dépend pas uniquement du soleil et de la mer…