[SÉRIE D’ÉTÉ] Quand l’Espagne conquit le Mexique, ou le destin fou d’une esclave indigène


Tout cet été, Equinox vous raconte la conquête territoriale d’un des plus grands empires de l’Histoire : l’Espagne. Dans ce deuxième épisode, cap sur Tenochtitlan la merveilleuse, bijou de l’empire Mexica dont l’Espagne s’empara au cours d’une guerre d’alliances, rendue possible grâce à une esclave…

Photo de couverture : Wolfgang Sauber

La conquête du Mexique est un pan de l’Histoire houleux et empreint de mystère. Il est question d’une esclave indigène devenue traductrice, d’une alliance imprévue entre Mexicas et colons, et d’une cité richissime vaincue par une poignée d’Espagnols. Mais rien de tout cela n’est une légende, et derrière le mythe de la conquête se cache une réalité cruelle et une colonisation violente qui a traumatisé tout un peuple.

1518. L’ explorateur castillan Hernán Cortés et ses hommes sont installés à Cuba. Ni une, ni deux, il démarre sa flotte, dépasse la péninsule et atterrit au Mexique en 1519, où il fonde la ville de Vera Cruz. En novembre de la même année, l’armée espagnole pénètre dans la légendaire ville de Tenochtitlan, habitée à l’époque par 150 000 à 300 000 personnes. Après de multiples batailles, les Mexicas finissent par chasser Cortés et ses hommes, mais le conquistador ne veut pas en rester là. Bien renseigné, il réalise que l’apparente paix du territoire ne reflète pas la réalité.

En effet, la zone est gouvernée par ce qu’on appelle la Triple Alliance, composée des villes de Tenochtitlan, Texcoco et Tlacopan. Tenochtitlan, gérée par le peuple migratoire d’Aztlan – qui poussera par la suite un explorateur allemand à désigner le peuple comme les « Aztèques » alors qu’il s’appelaient eux-mêmes « Mexicas » – est alors la ville la plus riche : Cortés en déduit qu’elle est la capitale et son peuple, celui qui domine le pays.

Dans les faits, la gouvernance de la région est un enchevêtrement de rapports hiérarchiques complexes entre les chefs suprêmes, les chefs de villages et leurs administrés, pas toujours heureux de cette chaîne de commandement. Si ce réseau inextricable de chefs a permis une expansion rapide et un règne prospère, il est aussi à l’origine de la chute de l’empire Mexica.Aztec Empire 1519 map fr.svg

Photo : Wikicommons

Mis au courant de tensions parmi les gouverneurs des différentes régions, Cortés construit habilement des alliances avec certains chefs de clans frustrés par le pouvoir en place. Ajoutons à cela les maladies européennes ramenées par les conquistadors qui eurent un effet ravageur sur les populations indigènes et c’est ainsi que grâce à ces circonstances et aux alliances nouées, avec seulement 570 hommes espagnols et après trois mois de siège, Hernán Cortés parvient finalement à s’emparer de la capitale en août 1521.

« Derrière chaque grand homme se cache une femme »

La maxime « derrière chaque grand homme se cache une femme » est souvent véridique, et ici davantage encore. Quand Cortés débarque au Mexique, il ne sait pas parler la langue. Comment, alors, nouer les alliances qu’il désire pour s’emparer de Tenochtitlan ? Le sort lui sera favorable. Lors de son premier séjour, les Mexicas lui offrent un groupe d’esclaves. Parmi ces esclaves, une femme : Malinalli. Aussi appelée Malintzin, celle qui deviendra plus tard Doña Marina a été un élément clé de la conquête du Mexique. Amérindienne d’origine nahua, elle devient la maîtresse d’Hernán Cortés et lui donnera un fils, Martín, qui sera considéré comme le premier métis du Mexique.

Originaire du sud du pays, elle entre sous le joug de l’armée castillane et devient vite une traductrice compétente connaissant plusieurs dialectes mayas et des bases de castillan, permettant des discussions entre les différents chefs mexicas et Cortés. Depuis, celle qui est surnommée La Malinche jouit d’une réputation compliquée au Mexique où beaucoup la considèrent comme la traitresse originelle.

Cortez La Malinche

Photo : artistes Tlaxcalan inconnus

Aujourd’hui, l’adjectif « malinchismo » a une connotation péjorative et nationaliste au Mexique – voire xénophobe – désignant ceux qui se détournent du pays pour s’allier avec les Européens ou d’autres étrangers.

Une identité mexicaine encore complexe aujourd’hui

En 2024, le Mexique a encore une relation complexe à sa colonisation, à l’instar de celle qu’il entretient avec la figure de Doña Marina. Il y a 3 ans, le pays commémorait les 500 ans de la chute de Tenochtitlan et demandait à cette occasion des excuses officielles de la part de l’Espagne. D’autres part, certains descendants de Mexicas demandent au gouvernement mexicain lui-même des excuses au peuple indigène, qui ne représente plus que 10% de la population et est encore victime de racisme et d’exclusion. Que ce soit du côté de la couronne espagnole ou du gouvernement mexicain, la réponse a été négative.

Le Mexique est maintenant une terre mélangée qui lutte encore avec son passé pour essayer de dessiner les contours de son identité. Sa faiblesse et sa force réside dans sa position géographique et culturelle, coincée entre un territoire fortement occidentalisé et des pays d’Amérique du Sud toujours hantés par la colonisation.

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