Deux Barcelone s’affrontent : celle qui vit du tourisme et celle qui le subit. État des lieux d’une situation qui n’est plus sous contrôle.
Toujours plus de touristes à Barcelone. Avec son corollaire, la tourismophobie. Samedi dernier, une manifestation a rassemblé près de 20.000 Barcelonais exaspérés par le trop-plein de visiteurs dans la ville sous les bannières d’associations anti-touristes et de collectifs de riverains. Les manifestants les plus énervés ont arrosé avec des pistolets à eau des vacanciers attablés à l’heure de l’apéritif. Les Barcelonais n’ont pas encore tout à fait abandonné le quartier du Gòtic et entrent en résistance. Les images ont fait le tour du monde, relayées par tous les JT.
#Directe a la multitudinària manifestació a #Barcelona contra la massificació turística de la ciutat i el model de #Collboni garantint la « marca Barcelona », que mentre expulsa els veïns i sectors populars, gènere beneficis als lobbies turístics i empresarials.… pic.twitter.com/iAy91LzeM2
— EsquerraDiari.cat (@EsquerraDiari) July 6, 2024
Tags sur les murs « Tourists go home », bus touristique stoppé au milieu de la route, disparition sur Google maps des lignes de bus menant au Park Güell, et maintenant intimidations physiques contre des vacanciers. Force est de constater que les Barcelonais entretiennent avec le tourisme des relations pour le moins compliquées. D’un côté, les riverains, toujours plus nostalgiques de l’époque où Barcelone était une petite ville tranquille qui n’appartenait qu’à ses habitants. De l’autre, les commerçants, les hôteliers, le monde de la restauration et de la nuit, les chauffeurs de taxis, bref, ceux qui voient le tourisme comme une poule prête à pondre ses œufs d’or dans la moindre ruelle de la ville. Et au beau milieu, les expatriés, qu’ils soient intégrés ou non, commencent à devenir les victimes collatérales de cette colère.
Lire aussi : Y a-t-il trop d’expatriés à Barcelone ?
Ada Colau, ancienne maire de Barcelone, se présentait volontiers comme la première des tourismophobes, même si souvent ses actes contredisaient son positionnement officiel. Son successeur, le socialiste Jaume Collboni, se nourrissant exclusivement d’un régime mi-chèvre mi-choux, se déclarait tourismophile tout en comprenant « l’exaspération citoyenne ». Après les dérapages de la manifestation de samedi, le Conseil municipal adopte un ton plus sévère par la voix de l’adjoint au Tourisme Jordi Valls. Celui-ci, dans un message posté sur le réseau social X en anglais, répondait à un reportage critique de la BBC relatant les incidents du week-end : « le tourisme est important du point de vue économique pour Barcelone, mais les visiteurs doivent se comporter avec respect envers les habitants ».
Plus nerveux, les lobbies de la restauration et de l’hôtellerie demandent que l’on se concentre davantage sur le rôle positif du tourisme pour la ville. Et les syndicats d’égrainer la liste : boost économique, création d’emplois, apport culturel et social ainsi que le développement des secteurs scientifiques et technologiques. En creux, le secteur demande aux institutions de privilégier un tourisme de plus haute qualité et aux citoyens de trouver une entente pour collaborer positivement avec les visiteurs. Ce plan ambitieux demandera beaucoup de pédagogie de part et d’autre.
Le pic touristique n’est pas encore atteint à Barcelone, alors que l’on annonce l’aéroport de la ville sur le point de saturer sous le poids de visiteurs trop nombreux. Une saison, qui cette année, va s’étendre dans le temps, avec l’organisation de l’America’s Cup qui promet de remplir les plages et le quartier de la Barceloneta jusqu’à la fin de l’automne.
Lire aussi : Le tourisme à Barcelone : ralentir pour ne pas mourir