Maxime Da Silva (NFP) : « Nous sommes capables de constituer 10, 20, 30 gouvernements »

Photo de couverture : meeting NFP

Second tour des élections législatives sur la circonscription des Français d’Espagne, du Portugal, d’Andorre et de Monaco. Le candidat du Nouveau Front Populaire et ancien responsable des ressources humaines du groupe LFI au Parlement, Maxime Da Silva, affronte le député sortant, Stéphane Vojetta. Rencontre avec l’Insoumis.

 

Comment analysez-vous votre résultat du 1er tour (26,18%) ? Au vu de ce score, il semblerait que le député sortant Stéphane Vojetta, au-delà d’être arrivé largement en tête, possède plus de réserves de voix que vous. Comment menez-vous campagne avec ces chiffres en tête ?

Je suis très fier que les électeurs et les électrices de la circonscription aient décidé de voter massivement pour le Nouveau Front Populaire au 1er tour de l’élection législative, et je les remercie très sincèrement. Le bloc libéral s’effondre au profit de l’extrême droite et de notre côté, nous progressons largement en nombre de voix et en pourcentage, si l’on prend en compte également les suffrages exprimés en faveur du candidat écologiste. 

M. Vojetta était en tête au 1er tour car il n’y avait cette fois qu’un seul autre candidat du parti présidentiel, auquel il appartient. Je ne vois pas quelles réserves de voix il aurait. Les électeurs écologistes voteront pour ma candidature puisque M. Vojetta appartient à une majorité condamnée pour inaction climatique et a voté toutes les lois de violence écologique sous la Présidence Macron. Le candidat de la droite a pointé du doigt au débat du 1er tour le bilan désastreux de M. Vojetta sur les coupes budgétaires infligées à nos services publics, donc ses électeurs ne se tromperont pas. Enfin, parmi les électeurs de l’extrême droite, beaucoup ont voté pour sanctionner la politique de Messieurs Macron et Vojetta, et pas par adhésion au Rassemblement national. Ils savent que M. Vojetta n’a rien d’un indépendant, qu’il a été inutile aux électeurs de la circonscription lorsqu’il était élu et que la seule candidature d’opposition aux Macronistes est la mienne.

J’ajoute qu’à l’échelle nationale, vous avez un match à deux : le Rassemblement national ou le Nouveau Front Populaire. La « majorité républicaine » que propose Monsieur Vojetta est une fiction absolue, qui n’existera pas. Il ment aux électeurs et électrices. Imaginez à quel point il serait inutile dans un groupe minoritaire, vu qu’il l’était déjà dans un groupe majoritaire ! Dimanche, le seul candidat susceptible d’appartenir à une majorité et de défendre les intérêts des Français de l’Étranger, c’est moi. Ce score est porteur d’espoirs et nous ouvre les portes d’une possible victoire le 7 juillet prochain.  

Vous avez passé beaucoup de temps dans cette courte campagne à rencontrer toutes les figures de la gauche et de l’ultragauche espagnole. Au-delà du buzz médiatique que cela crée, n’avez-vous pas l’impression de prêcher des convertis et de ne pas avoir créé du lien avec les Français électeurs de la circonscription ?

C’est vrai que de nombreuses voix se sont levées dans toute la gauche espagnole pour soutenir ma candidature. Un spectre très large de Sumar à Podemos, en passant par le Parti Socialiste Catalan, le PSOE, des partis écologistes, Barcelona en Comùn, Izquierda Unida… Les électeurs et électrices peuvent s’assurer que j’aurai des liens étroits avec les responsables politiques espagnols, pas comme mon concurrent qui insulte et caricature une force politique soutenue par le Gouvernement d’Espagne. Une position inconsciente du point de vue du rayonnement de la France à l’Étranger et qui pourrait mettre nos positions diplomatiques en difficulté.

Concernant mes liens avec les électeurs et électrices, ils sont forts et nombreux. Je suis allé à Madrid, Valence, Barcelone, Alicante et Lisbonne au 1er tour. Nous avons eu des échanges à distance avec des concitoyens de Bilbao, Palma de Majorque, Porto, Monaco, Andorre. Nous avons fait un grand meeting pour toute la circonscription, suivi par plusieurs milliers de personnes, toutes plateformes confondues. Nous sommes allés sur le terrain voir les associations, les lycées français, les commerces français, nous avons participé à des évènements de la French Tech, regardé des matchs de l’Euro dans des fans zones et nous avons été rendre visite à de nombreux électeurs jusque devant chez eux.

Les socialistes, les écologistes, les insoumis, les communistes, les syndicalistes et associatifs en soutien à ma candidature… Toutes et tous sommes sur le terrain, plutôt qu’occupés dans les évènements mondains à nous nourrir de petits fours comme a l’habitude de le faire Monsieur Vojetta.

Vous vous affichez avec Ada Colau, figure clivante s’il en est. Des voix locales du parti socialiste barcelonais se plaignent d’une certaine forme de radicalité dans votre campagne, qui aurait fait fuir certains électeurs. L’ancienne maire de la ville est-elle la bonne personne au bon moment de votre campagne ?

Madame Colau, comme toutes celles et ceux qui veulent soutenir notre candidature, est la bienvenue à nos côtés. J’ajoute que l’action de Madame Colau sur le droit au logement, la piétonnisation de la ville ou encore la protection d’espaces naturels avait ravi un certain nombre de Barcelonais et Barcelonaises Français, qui m’ont placé largement en tête au 1er tour.

Concernant l’autre partie de votre question, nous avons un collectif de campagne horizontal constitué en groupes de discussion dans chaque zone de la circonscription, et les militants sont force d’initiatives. Votre description est au moins orientée, sinon totalement mensongère.

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Photo : meeting NFP

Vous, député, êtes-vous prêt à entrer dans une majorité alternative au RN, avec des parlementaires Macronistes ou des Républicains ?

Pour l’heure, je suis concentré sur la campagne. Contrairement à M. Vojetta, l’étiquette que je porte, le Nouveau Front Populaire, peut gagner dimanche prochain. Donc je concentre mes efforts pour participer de l’obtention d’une majorité dans le pays.

La gauche est et restera toujours responsable lorsque l’extrême droite menace. Ce n’est pas le cas de M. Vojetta et ses amis, qui ont élu des députés Rassemblement National à la Vice-Présidence de l’Assemblée et ont voté pour la préférence nationale dans le projet de loi immigration, ce qui est une aberration quand on représente les Français de l’Étranger et notamment des binationaux.

Vous affirmez que Stephane Vojetta flirte avec l’extrême-droite, tandis que la candidate du RN Johana Maurel, éliminée au 1er tour, refuse d’appeler à voter pour lui au second tour et ajoute que Vojetta est un ennemi après avoir critiqué Marine Le Pen sur Twitter. Qui croire ?

Réécoutez les propos de M. Vojetta et vous aurez la réponse à votre question. Concernant Madame Maurel, j’ai lu qu’une des ses alliées Reconquête (bloc d’extrême-droite) portait des accusations très graves à l’encontre de Monsieur Vojetta. Elle relaie sur ses réseaux sociaux un article du média elcierredigital.com selon lequel M. Vojetta aurait été responsable de malversations lorsqu’il était président de l’association des parents d’élèves du lycée français de Madrid.

Trois blocs politiques existent dans le pays : le RN (arrivé en tête nationalement dimanche mais éliminé sur notre circonscription), la Macronie (battue et quasiment rayée de la carte électorale dimanche, incapable de peser à l’Assemblée dorénavant) et le Nouveau Front Populaire (seule force de notre circonscription encore en lice capable à la fois d’incarner l’opposition au Macronisme et de remporter les élections dimanche prochain).

Vous avez dit lors de votre meeting à Barcelone que vous ne seriez pas un député qui parcourra les événements mondains. Ne renforcez-vous pas l’accusation portée par vos adversaires du “parlementaire parachuté” que l’on ne verra jamais sur le terrain ?

D’un côté on m’accuse d’être parachuté et de l’autre on m’accuse d’un ancrage trop fort parmi les partis de gauche de la circonscription. La majorité des Français de notre circonscription ne se rend pas aux événements mondains que Vojetta aime tant. Moi député, j’irai à la rencontre de mes concitoyens en province, là où ils résident, pas uniquement à la garden party de l’ambassade à MadridMais je comprends mon adversaire qui doit cacher les effets délétères de son bilan aux habitants de la circonscription et qui donc multiplie les attaques outrancières.

Je le réaffirme ici : habitant de la circonscription, je créerai un Parlement de circonscription pour associer les habitants à la prise de décision et au mandat parlementaire. Et je parle ici de tous les habitants. Que mon interlocuteur soit binational à Barcelone, Français de l’étranger à la campagne ou proche d’une ville-centre, étudiant à Madrid, employé de call-center à Lisbonne, natif de Bilbao, enseignant en lycée français à Alicante, psychologue de Valence, enfant du pays de Monaco, entrepreneur de la FrenchTech à Palma de Majorque… Tous auront leur place à mes côtés.

Durant ce même meeting, vous avez assuré que le NFP pourrait proposer, si besoin est, une dizaine de noms de Premiers Ministres. Pourriez-vous vous nous partager quelques patronymes ?

Je pourrais, oui, mais ils sont trop nombreux. Nous regorgeons de talents dans l’ensemble des partis de gauche. Le Nouveau Front Populaire regorge de syndicalistes, d’associatifs, de militants d’ONG, qui ont l’expérience du terrain. Nous sommes capables de constituer 10, 20, 30 gouvernements s’il le faut.

Il est possible qu’après le fiasco de cette dissolution, M. Macron disparaisse de la scène tôt au tard, d’une manière ou d’une autre. N’est-il pas temps, aussi, de tourner la page de M. Mélenchon ? Ainsi, les deux figures clivantes des dernières années laisseraient leur place pour des nouveaux visages afin de reconstruire de nouvelles bases d’un côté comme de l’autre ?

Vous comparez l’incomparable. Monsieur Macron, ses politiques et son arrogance – soutenus par Stéphane Vojetta – sont largement rejetés dans la population.

Monsieur Mélenchon porte un programme avec d’autres. Il est l’une des figures du Nouveau Front Populaire avec  – pour n’en citer qu’un à chaque fois – Olivier Faure du parti socialiste (qui soutient ma candidature), Mélanie Vogel Sénatrice EELV des Français de l’Étranger (qui soutient ma candidature), Karine Le Bon députée de la Réunion (qui soutient ma candidature). Vous voyez, Monsieur Macron est désormais seul dans sa tour d’ivoire – mais pas nous – donc votre comparaison ne me semble pas opportune.

La connexion entre la France et l’Espagne s’est dégradée au niveau des trains. La ligne TGV Paris-Toulouse a été supprimée depuis le Covid et n’a jamais été remise en fonction. Les prix sont prohibitifs pour un Barcelone-Paris en TGV par exemple. De plus, la SCNF mène une politique très agressive envers la RENFE en empêchant leurs trains de circuler en France et donc de relier l’hexagone à l’Espagne. Deux questions : comment votre majorité potentielle gérerait ce dossier, et en tant que député, quelles actions mèneriez-vous ?

D’abord, nous prévoyons un plan d’investissement massif dans le développement du transport ferroviaire pour défaire le bilan des Macronistes qui est celui de la privatisation, de l’ouverture à la concurrence et de leurs effets délétères sur le service public, le fret, les prix pour les usagers, etc. De plus, nous avons aujourd’hui un train souvent plus cher que l’avion pour un même trajet. Ceci est dû aux politiques publiques Macronistes qui entretiennent un dumping en faveur du transport aérien, ce qui est totalement anti-écologique et une aberration économique. Nous y mettrons fin.

Il est plus que nécessaire que les liaisons ferroviaires entre la France et l’Espagne soient plus importantes, moins onéreuses, plus faciles et plus rapides. Au sein du groupe d’Amitié France-Espagne de l’Assemblée nationale, je compte prendre ma part pour tenter de trouver des solutions en mettant autour de la table tous les acteurs concernés.

Durant cette campagne, on vous a découvert un certain talent oratoire. Non dénué de charisme, vous incarnez à la perfection votre personnage. Dans l’hypothèse pessimiste  vous perdiez cette élection, allez-vous redevenir le responsable RH du groupe LFI que vous étiez , ou allez-vous occuper un poste davantage sur le devant de la scène ?

Je dois avouer que la teneur habituelle de vos questions ne m’a pas préparé à ces compliments. Je vous remercie. Pour l’heure, je me projette dans la victoire qui est possible si les électeurs et électrices se mobilisent. J’affronte un candidat solitaire, qui n’a plus de représentation à l’échelle nationale. Encore une fois, seule ma candidature peut appartenir à une majorité. Le Nouveau Front Populaire est le seul vote stratégique et utile pour tous les électeurs des Français de l’Étranger dans ce second tour. Je suis confiant.

Est-ce que finalement cette douceur ibérique ne vous donne pas envie de vous installer ici, plutôt que de retourner dans la fureur et les cris parisiens ?

Vous savez, le fils d’immigré que je suis, petit-fils de pied noir, connaît bien la douceur ibérique. La vie ici est plus apaisée pour plein de raisons. Député et français d’Espagne ou du Portugal, je compte bien, tout en étant à la tâche pour nos concitoyens, continuer de profiter du cadre de vie ibérique.

Quel bilan tirez-vous de cette campagne ? A-t-on réellement compris les enjeux des Français de la circonscription ?

J’en tire un bilan très positif, car nous avons mené, nous le Front Populaire, une campagne active, collective, internationale. Malheureusement, aucun débat national télévisé n’a évoqué les problèmes d’accès aux services publics consulaires, de renouvellement des documents d’identité, d’accès à l’éducation, de soutien au tissu associatif à l’Étranger. Cela me fait penser aux habitants des Outre-Mer ou de la ruralité : on en parle peu, on évoque peu leurs besoins, alors qu’ils sont nombreux. Il faut cesser de traiter une partie de la population comme des citoyens de seconde zone. Ce sera ma ligne de mire à l’Assemblée nationale, dès le 7 juillet prochain.

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