La pollution visuelle et sonore peut, aussi, être causée par les déplacements de population. Barcelone, qui accueille plus de 80 millions de touristes chaque année, est particulièrement sujette à ce phénomène. Non sans danger pour la santé de ses habitants.
Photo de couverture : Equinox
Au-delà des problèmes habituels causés par le surtourisme, il en est un auquel on ne pense pas toujours : son impact sur la santé. À force de voir et d’entendre des millions de gens traverser la ville chaque jour, le corps peut fatiguer, et particulièrement la vue et l’audition.
« Le monde extérieur nous stimule tellement, surtout en ville : on est sollicités tout le temps », explique Caroline Gourdier, psychologue clinicienne à Barcelone. Il faut dire que la cité catalane, à l’instar d’autres grandes métropoles, est particulièrement grouillante de bruits et de gens, surtout l’été. Une situation qui ne dérange pas lorsqu’on est simples touristes, mais qui peut devenir insupportable lorsqu’on y habite toute l’année, continue Philippe Emanuely, médecin généraliste Français à Barcelone : « on peut comparer la vie dans une ville bondée de touristes à une vie quotidienne dans un grand hypermarché, ce qui évidemment paraît assez peu supportable en permanence ».
C’est le cas de Rachel et Mathilde, deux Françaises en colocation du côté du Born depuis plusieurs mois et qui ont plus que ras-le-bol d’entendre à travers leurs fenêtres (mal isolées) les cris des vacanciers rentrant de soirée. En effet, vivre dans les quartiers touristiques n’est pas une mince affaire : on ne choisit pas vraiment ses moments de solitude, ce qui peut entraîner une angoisse généralisée.
Une fatigue qui varie en fonction de la personnalité
Sortir de chez soi et être immédiatement plongé dans un flux de gens est vécu différemment selon les personnalités, nous explique la psychologue : « Ce n’est pas tant le stimulus qui va faire que la personne sera fatiguée, c’est davantage comment est la personne, introvertie ou extravertie, hypersensible ou non ». La « batterie sociale » varie d’un individu à l’autre, et alors que les personnes extraverties vont chercher cette stimulation visuelle et auditive, les personnalités plus timides essaieront de les fuir, ou du moins de les contrôler. « Quand les foules déstabilisent les gens, ce sont en général des personnes hypersensibles. Ils sont troublés émotionnellement et psychologiquement par la foule, le bruit, la lumière, les odeurs… », continue Caroline Gourdier.
Photo : Cyane Morel
Quelles conséquences sur la santé pour ces personnalités plus sensibles ? Une fatigue visuelle, d’abord, caractérisée par une sensation d’inconfort (yeux qui piquent), des migraines et une baisse du niveau de la vue. Habituellement lié à l’exposition prolongée aux écrans d’ordinateur, cet inconfort peut donc aussi être causé par la foule, qui force l’oeil à être en état d’alerte constant.
D’autre part, l’intensité de la masse touristique à Barcelone a un impact sur la santé auditive. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, la cité catalane est une des villes du monde où la pollution sonore est la plus développée. Un phénomène causé par l’occupation presque permanente de l’espace public par les foules et le trafic automobile, d’ailleurs responsable de 80% de la pollution sonore. Le seuil de tolérance de l’ouïe est fixé à 75 dB (A) par l’OMS, mais certaines rues de la ville enregistrent des pics bien au-dessus, comme la rue Arago. Cette pollution sonore a des conséquences sur la santé comme la perte progressive de l’ouïe, des douleurs au tympan, l’apparition d’acouphènes ou encore l’hyperacousie.
Pour éviter ces désagréments et les touristes, une seule solution : se retrancher dans les quartiers les plus calmes – et donc les plus chers – de la ville. Un éloignement nécessaire, confirme le docteur Emanuely, qui ajoute que si « aucune étude n’a été menée, on peut supposer que les phénomènes de densité peuvent accroître le risque de maladie psychiatrique ». Les Français de Barcelone l’ont bien compris, et ils sont nombreux à s’être regroupés dans des quartiers excentrés comme Sarría ou Les Corts, où les touristes sont des espèces encore rares.