Johana Maurel est la candidate du Rassemblement National sur la 5e circonscription des Français de l’étranger regroupant l’Espagne, le Portugal, Andorre et Monaco. Portée par la vague RN, la prétendante espère prendre la place du député sortant, Stéphane Vojetta. Interview.
Un commentaire que l’on entend souvent envers vos électeurs et votre candidature, c’est comment peut-on voter pour un parti nationaliste quand on est soi-même un étranger dans son nouveau pays de résidence ?
Qu’entendez-vous par nationaliste ?
Défendre son pays avant toute chose, épouser le patriotisme, renforcer les frontières.
On aime notre pays, on est fier d’être Français. Aimer votre pays, et être expatrié en travaillant ou en montant une entreprise, en Espagne ou au Portugal, ce n’est pas incompatible. Aimer son pays et s’expatrier : l’un n’empêche pas l’autre.
Vous habitez en France, vous essayez de vous faire élire en Espagne. Le précédent parachuté sur la circonscription, en 2022, était Manuel Valls, et ça ne s’est pas bien terminé pour lui…
Je ne suis pas parachutée, je vous signale que j’ai été expatrié pendant cinq ans à Lisbonne, j’ai scolarisé mes enfants au Lycée Charles Pierre. Je parle portugais et je me rends souvent dans ce pays. Par ailleurs, je suis à deux heures de la frontière pour me rendre fréquemment en Espagne. Je connais très bien cette circonscription. Depuis un an et demi, j’ai été nommée par Jordan Bardella pour être déléguée du RN en Espagne, Portugal, Andorre et Monaco. À ce titre, j’ai rencontré de nombreuses fois les acteurs locaux au cours de mes fréquents déplacements.
Certes, mais aujourd’hui, vous vivez aujourd’hui à Montpellier. En cas d’élection, allez-vous déménager ?
C’est dans mes projets, mais au risque de vous décevoir, ça ne sera pas à Barcelone, mais au Portugal.
Il n’y a pas de candidat Les Républicains sur la circonscription, un accord a-t-il été passé avec le RN ?
Nous découvrons chaque jour des alliances qui se créent avec le RN. Le plus emblématique étant Éric Ciotti. Beaucoup de membres des Républicains nous rejoignent dès le 1ᵉʳ tour, car leur parti n’a plus lieu d’exister dans le monde politique actuel. Concernant ma circonscription, je me sens légitime pour que les votants LR se portent sur ma candidature. Également les électeurs de Reconquête. Nicolas Chamoux, qui était candidat pour ce parti en 2022, milite aujourd’hui pour le RN et pour ma campagne.
Une affaire de pédophilie a eu lieu l’année dernière au sein du Lycée Français de Barcelone. Un surveillant a agressé sexuellement plusieurs enfants, et cette affaire a traumatisé la communauté des parents d’élèves. Vous avez sous-entendu que par son silence, le député Vojetta portait une part de responsabilité dans la gestion interne de l’affaire. Lui répond que vous ne connaissez rien au rôle de député et qu’il a agi en coulisse avec le consulat, les équipes du lycée et les ministres à Paris. Est-ce que vous regrettez cette polémique ?
J’ai rencontré des parents qui ont été touchés par ce drame et qui ont créé une association. Ces familles ont l’impression que l’État s’était désintéressé de ce drame. Ces parents ont alerté le lycée en octobre, et il a fallu attendre le mois de mars pour qu’on reconnaisse enfin qu’il y avait un pédophile au sein de cet établissement. Je n’ai pas fait de polémique avec Stéphane Vojetta qui n’a absolument aucun pouvoir pour gérer la sécurité du lycée français de Barcelone. Cependant, les familles de victimes se sont totalement senties isolées et absolument pas accompagnées par le député sortant Monsieur Vojetta.
118 millions d’euros de bourses cette année pour les familles sur la circonscription, c’est assez ?
Visiblement, non. J’ai organisé des réunions en visioconférence, individuellement, avec des parents d’élèves. Beaucoup d’expatriés ont rencontré des difficultés pour scolariser leurs enfants dans les établissements français. Ils se résignent et mettent leurs enfants dans des écoles, collèges et lycées locaux. Quand ces parents rentrent en France, c’est compliqué pour eux de remettre leurs enfants dans le système scolaire français. L’État doit trouver des solutions pour accompagner ces familles, c’est son devoir. Je n’hésiterai pas à demander un rendez-vous immédiat avec les services concernés pour gérer la rentrée de septembre.
Quand j’ai scolarisé mes enfants au Portugal, j’ai rencontré les mêmes difficultés, avec une problématique au niveau des tarifs. L’augmentation des prix est pharaonique. Les familles ne peuvent plus suivre et payer entre 800 et 900 euros par mois. Contrairement à Monsieur Vojetta, ces parents ne sont pas expatriés à Madrid depuis 20 ou 30 ans.
Il est compliqué de faire faire ses papiers administratifs dans les consulats, quelles sont vos propositions en la matière ?
Ça fait des années que nous avons les mêmes propositions et rien n’avance. Une fois au pouvoir, nous allons faire un audit de ce qui a été fait jusqu’à présent pour trouver de meilleures solutions. Nous allons utiliser le savoir-faire de la French Tech à Barcelone pour nous aider à trouver des solutions efficaces.
Il y a 10 ans, le gouvernement Macron a supprimé la réserve parlementaire. Si le Rassemblement National accède au pouvoir, est-ce qu’elle pourrait revenir ?
Je ne vais pas vous faire des promesses de Gascon, mais oui, cela serait une excellente chose. Nous avons des parlementaires du RN qui ont signé la semaine dernière une tribune pour le rétablissement de la réserve parlementaire. Cela permettrait au député de pouvoir agir pour financer des projets qui pourront, par exemple, venir en aide à des Français qui ne peuvent pas scolariser leur enfant dans un établissement français. Vous avez remarqué que la scolarisation est vraiment un sujet que me tient à coeur.
La liste de Jordan Bardella est arrivée en seconde position sur la circonscription lors des européennes. Remporter cette législative face au sortant Stéphane Vojetta et à l’insoumis Maxime Da Silva, c’est jouable pour vous ?
Je vais être très humble et pas présomptueuse. Mais depuis 15 jours, le RN ne fait que progresser. Nous sommes en très bonne voie. Nous allons avoir une excellente participation sur la 5ᵉ circonscription, ce qui est inédit et positif. J’ai de gros espoirs pour devenir la députée de la 5ᵉ circonscription des Français de l’étranger.
Stéphane Vojetta, le député sortant, a déclaré qu’il préférerait qu’on lui tire une balle dans la tête plutôt que de voter pour vous ou pour le candidat LFI lors du second tour. Comprenez-vous ce rejet ?
Stéphane Vojetta, n’est pas un politique, c’est un électron libre. Il est arrivé par hasard comme Monsieur Macron, il repartira de la même manière. Nous avons besoin de quelqu’un de sérieux. Hier, sur Twitter, j’ai vu Monsieur Vojetta se filmer dans sa voiture avec de la musique. J’ai vu dans cette scène quelqu’un d’extrêmement heureux. Ce qui est regrettable dans ce genre d’épisode, c’est qu’au même moment, des Français de la circonscription me sollicitent pour me faire part de leurs problèmes de pouvoir d’achat.
La candidature de monsieur Vojetta est très légère. Je me demande s’il a encore une chance de ne pas se faire éliminer dès le premier tour. Les électeurs sont assez intelligents pour comprendre que le cinéma, c’est terminé, que le show, c’est terminé. Il nous faut désormais des députés sérieux.