La Commission européenne a salué, le 19 juin dernier, la bonne gestion des comptes de l’Espagne. Malgré les récentes crises économiques, sanitaires et sociales, la péninsule ibérique s’en sort mieux que son voisin français. Pour quelles raisons ?
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L’économie espagnole ne s’est jamais aussi bien portée. Elle fait même partie des bonnes élèves de l’Union européenne. Et pour cause, en 2023, l’Espagne a clôturé ses comptes avec un déficit de 3,6 % du PIB, alors que 3 % est le taux de déficit maximal fixé par le Pacte de stabilité et de croissance européen. Néanmoins, Bruxelles considère que le déficit actuel n’est que temporaire. Effectivement, la Commission européenne a été convaincue par les arguments du gouvernement espagnol qui garantit que, d’ici 2025, le pays sera dans les clous avec un déficit à 3 %. Quels facteurs expliquent cette vitalité économique ?
La création d’emplois à l’origine d’un cercle vertueux
« L’économie tourne, on crée de l’emploi et cela permet à l’État d’avoir plus de revenus », explique Josep Miró Roig, économiste catalan interrogé par Equinox. La péninsule ibérique est au cœur d’un cercle vertueux. L’État prélève plus d’impôts et de charges sociales grâce aux emplois créés et, en parallèle, dépense moins pour couvrir les indemnités chômage des Espagnols.
« Quand il y a plus de prélèvements, l’État s’endette moins. C’est la raison pour laquelle l’État a l’un des déficits les plus bas d’Europe en 2023 et que l’économie fonctionne raisonnablement bien », résume Josep Miró Roig. Si le pays continue dans ce sens, l’économiste barcelonais estime que d’ici deux à trois ans, le niveau de dette de l’État sera de 3 % sur le PIB. Ce qui équivaut donc au taux maximal demandé par l’UE.
Le tourisme toujours un moteur économique
Dans le détail, la création d’emplois profite au secteur des services. Sans surprise, le tourisme tire son épingle du jeu. Cependant, ce secteur est aussi bénéfique que décrié. « Le tourisme a effectivement des limites. Par exemple, à Majorque, plus de 40 % du PIB est apporté par le tourisme. C’est génial, mais cela se fait au détriment d’autres secteurs économiques importants », déplore l’expert.
Par exemple, le marché de la chaussure était très développé à Majorque. « Ce secteur s’est fait phagocyter par le tourisme. Désormais, il n’y a presque plus d’emplois là-dedans, car les gens préfèrent travailler dans le tourisme et gagner plus d’argents », analyse Josep Miró Roig. En parallèle, le secteur de l’industrie se porte de mieux en mieux. La raison ? L’Espagne a touché beaucoup de fonds de l’Union européenne destinés à l’industrie.
Le tourisme reste un moteur économique en Espagne. Photo : Clémentine Laurent Photographie
« Il est vrai que les énergies renouvelables, les industries de batterie et l’automobile se portent bien en Espagne. Un important investissement a été opéré par le pays ». L’arrivée massive de main d’œuvre étrangère qualifiée et diplômée permet aussi à l’industrie et à l’innovation de se développer. « Il y a pas mal d’étrangers ultra-qualifiés qui s’installent en Espagne grâce au bon niveau de vie que propose le pays et à la création d’emplois dans ces secteurs ».
L’Espagne, un miracle économique ?
Si les finances de la péninsule ibérique se portent bien, parler de « miracle économique » est encore présomptueux. « On reste tout de même un pays avec un taux de chômage élevé et où la productivité est un grand problème », tempère Josep Miró Roig. La croissance de l’emploi est effectivement de 3,5 % alors que la croissance économique est de 2,5 %. « Cela signifie que la productivité a baissé. Elle est plus basse qu’en Allemagne ou que dans certaines régions françaises. Cela est un handicap important », juge Miró Roig.
Autre problème pointé du doigt par l’économiste, le travail « au noir ». Ces emplois n’apparaissent logiquement pas dans les chiffres officiels de la création d’emplois. Pourtant, ils représentent environ 20 % de l’emploi en Espagne. « Si ces postes étaient comptabilisés, le taux de croissance aurait été supérieur et le taux de chômage bien inférieur. Ces problèmes font que l’Espagne ne pourra jamais rentrer dans la cour des grands », admet l’expert catalan.
L’Espagne sur le point de surpasser la France ?
Au vu des récents chiffres encourageants de l’Espagne, il est légitime de se demander si la péninsule ibérique deviendra un jour une grande puissance économique européenne. Pour l’heure, l’Espagne se situe encore loin derrière l’Allemagne ou même la France. « Le poids initial de l’Espagne est bien plus bas que celui de la France ou de l’Allemagne. Il faudrait donc encore beaucoup de temps pour rattraper ce retard ». Le pays de Don Quichotte n’est ainsi pas encore prêt à remplacer la France au sein de l’UE, même si l’Hexagone a récemment été épinglé par Bruxelles, avec un déficit du PIB de… 5,5 %.
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