Maxime Da Silva, responsable ressources humaines de groupe LFI à l’Assemblée Nationale, est le candidat investi par le Nouveau Front Populaire pour représenter les Français vivants en Espagne, au Portugal, en Andorre ou à Monaco. Originaire de Rouen, celui qui n’est pas familier avec la 5e circonscription a deux semaines pour convaincre. Interview.
Photo de couverture : Ivan Barrera
Si le Nouveau Front Populaire est élu, qui sera premier ministre ? François Ruffin, Manuel Bompard, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou ?
Le rapport de force qui sortira de l’élection nous permettra de répondre à votre question. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un programme clair, sur lequel s’est mis d’accord l’ensemble des forces de gauche. Ce n’est pas une affaire de personnes, c’est une affaire de savoir quelle sera notre méthode pour changer la vie des gens.
Beaucoup de Français de l’étranger se sont expatriés pour fuir le boucan médiatique et politique. Au NFP, il y a beaucoup de polémiques autour de l’antisémitisme, des candidats fichés S, du retour de François Hollande… Est-ce que votre candidature correspond bien au profil sociologique des Français de l’étranger ?
Je pense que les Français de l’étranger ont aussi fui parce que les politiques de violence sociale et écologique du président Macron sont insupportables, et parce qu’ils rejettent le score important du RN dans le pays. Je ne pense pas que le NFP rebute les expatriés. La preuve : nous sommes arrivés en tête aux élections européennes.
Peut-être qu’il ne rebute pas, mais il a tout de même une image sulfureuse.
Il y a des polémiques, d’accord, mais ce qui se joue pour les gens c’est de savoir comment ils pourront finir leur mois convenablement. Est-ce qu’on va continuer sans cesse à leur voler des mois et des années de vie comme l’a fait le président Macron et le député Vojetta sur la circonscription ? Est-ce qu’on va continuer dans l’inaction climatique avec un état de majorité parlementaire qui a été condamné pour inaction climatique ? Je pense que les habitants de la circonscription, comme tous les Français, veulent une bifurcation sociale et écologique pour le pays, et c’est ce qu’incarne le NFP. Je suis plus optimiste que vous, je pense que nous allons convaincre les électeurs.
En parlant de Stéphane Vojetta, vous l’avez traité de “mauvaise personne”, ce à quoi il a répondu à notre micro que “si vous connaissiez la circonscription, vous ne diriez pas ça” ?
J’ai rencontré de nombreux citoyens de Barcelone et la phrase de M. Vojetta est tournée en ridicule par tout ce que m’ont dit ces personnes. Son action, également, parle d’elle-même. Aujourd’hui nous avons un député qui au bout de trois ans n’est revenu avec aucune annulation budgétaire, aucune annulation de suppression de poste, ni aucune amélioration du service public de l’éducation, ce qui est pourtant le thème qui concerne le plus les Français de l’étranger. Et il a voté avec la majorité Macroniste tous les reculs de nos droit sociaux. Je peux comprendre que ce M. Vojetta ait une haute estime de lui-même, mais il devrait écouter les habitants de la circonscription car ils ne sont pas de son avis.
Deuxième citation sur laquelle j’aimerais que vous réagissiez, il a dit “je préférerais me mettre une balle dans le crâne plutôt que de voter pour vous”. C’est valable aussi pour le RN. Est-ce que vous comprenez ce rejet, cette violence entre vous deux ?
Je suis très étonné. M. Vojetta nous dit qu’il est indépendant, qu’il veut œuvrer à une majorité alternative, mais aujourd’hui il y a deux majorités possibles dans le pays : soit celle du RN, soit celle du NFP. Donc les phrases électoralistes de M. Vojetta dans un moment où l’extrême-droite pourrait gouverner sont absolument irresponsables. Il y a 80 ans, certains disaient “plutôt Hitler que le front populaire”, et bien je conseille à M. Vojetta de ne pas flirter avec ce genre de discours.
Vous vivez en France, vous avez été parachuté dans la circonscription. Beaucoup de militants historiques, notamment au Parti Socialiste de Barcelone et à LFI Madrid voulaient être candidats. Quel est votre sentiment vis-à-vis de ces partis locaux ?
Je suis admiratif, et je veux souligner la responsabilité dont ont fait preuve l’ensemble des élus de gauche et écologistes du territoire concernant ma candidature. On est tous en ordre de bataille car l’extrême droite menace de prendre le pouvoir et car le député de la circonscription actuel n’est pas utile aux Français qui y vivent. Donc il y a une belle coalition qui se réalise et qui, je crois, annonce de bonnes choses pour la suite.
Il y a eu des parachutages ici par le passé, notamment celui de Manuel Valls, et ça ne s’est pas très bien passé. Est-ce que c’est facile de faire campagne quand on vient d’ailleurs ?
Honnêtement, je suis particulièrement chanceux. J’ai avec moi des élus consulaires qui sont majoritaires à Madrid, majoritaires à Barcelone, et j’ai des liens étroits avec de nombreux responsables politiques en Espagne. C’est important lorsqu’on est représentant des Français de l’étranger de pouvoir échanger avec ceux qui vivent ici, donc c’est plutôt facile, oui. Je me sens très entouré, j’ai pu d’ores et déjà rencontrer des syndicalistes du SNES, qui vivent depuis très longtemps en Espagne et qui ont connu ce délitement du service public de l’éducation. J’ai échangé avec eux et je pense être en mesure de porter leurs revendications. J’ai très envie de les aider, surtout qu’ils ne sont pas bien représentés à l’assemblée nationale depuis longtemps, et qu’il y a de gros besoins.
Vous avez le soutien de Podemos. Quand eux ont fait une alliance avec les socialistes, ils ont dû modérer leur programme. Vous ne pensez pas que ce sera la même chose pour vous avec le PS ?
Je ne porte pas le programme de LFI à cette élection mais celui du NFP, qui est un programme de gouvernement soutenu par le PS, par EELV, les communistes et les insoumis. Je souhaite que le NFP arrive à réunir les forces de toutes les gauches et de la société civile, d’ailleurs bien représentée dans nos investitures. Je crois que c’est important, et qu’il faudra que les électeurs et électrices de gauche soient exigeants avec nous lorsqu’on sera élus.
Photo : Ivan Barrera
Sur le thème des problèmes administratifs, vous proposez plus d’employés dans les consulats. Comment on les finance ?
Le manque de personnel dans les consulats, c’est un fait qui crée des situations de souffrance pour les personnels et pour les administrés, qui mettent parfois des jours pour obtenir un rendez-vous. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il faut renforcer le service public consulaire. Pour donner un exemple, sur l’ensemble des services publics du Ministère des affaires étrangères, rien que pour pouvoir proposer une candidature aux élections législatives c’est la croix et la bannière. La raison, c’est qu’ils ne sont que 6 au service des élections pour gérer les 11 circonscriptions des Français de l’étranger. C’est lunaire à quel point l’État français a abandonné les Français de l’étranger.
Au niveau du budget, nous avons un programme qui est chiffré dans les grandes lignes et qui sera détaillé dans les prochains jours. Oui, le NFP va rétablir l’impôt sur la fortune, parce que nous sommes pour décréter l’urgence sociale dans le pays. Jamais la France n’a connu un taux de pauvreté aussi important.
Même si le budget est bien ficelé, on coupe souvent celui alloué aux Français de l’étranger.
Le meilleur moyen pour que ce ne soit pas le cas c’est d’élire un député du NFP. Moi, député des Français de l’étranger, je ne laisserai jamais les budgets être rabotés, ce qui n’a pas été le cas de mes prédécesseurs sur la circonscription. Ensuite, il faut faire le choix du service public. Lorsque l’on décide dans le réseau AFE (Association des Français de l’Étranger, ndlr) de ne pas avoir recours à des personnes qui sont détachées mais à des locaux, c’est une mesure qui dévoie le service public de l’éducation, qui a pour conséquence l’explosion des frais de scolarité avec des bourses scolaires qui ne suivent pas.
Dans notre circonscription, certaines personnes doivent parcourir des centaines de kilomètres pour se rendre au consulat. Est-ce que vous êtes pour la digitalisation des documents administratifs ?
Aujourd’hui nous avons lancé des travaux pour digitaliser les choses et les Français de l’étranger sont fer de lance, par exemple sur le vote électronique. Mais la numérisation des services publics pose problème pour les personnes âgées et pour ceux et celles qui vivent dans des zones reculées. En revanche, il faut vivre avec son temps. Moi, ce que je dis, c’est oui à la digitalisation, mais attention à ne pas encore faire la saignée des consulats. Sur la circonscription, le Portugal fait partie des nations pilotes. Quand j’entends M. Vojetta se féliciter que le Portugal soit dans les pays tests comme si c’était de son fait personnel, alors que ça date d’avant son mandat, il suffit d’une recherche Google pour que les électeurs comprennent qu’il se moque d‘eux.
118 millions d’euros pour le budget de l’AFE, est-ce que vous êtes contents ?
Ces bourses ne sont pas suffisantes pour que celles et ceux qui veulent scolariser leurs enfants dans un lycée français puissent le faire. À Barcelone, c’est 500 euros de frais de scolarité mensuels sans prendre en compte la cantine, ce qui est une charge importante pour les familles. C’est un record de versement des bourses, certes, mais aussi un record du besoin de ces bourses, donc non, je ne me réjouis pas de ce chiffre.
Il y a 10 ans, le gouvernement Macron a supprimé la réserve parlementaire. Si le NFP accède au pouvoir, est-ce qu’elle pourrait revenir ?
Non. J’étais favorable à la suppression de la réserve parlementaire, parce qu’elle était mal utilisée. La réserve parlementaire était un outil de barons locaux pour faire du clientélisme auprès des associations. Nous, on considère qu’une réserve parlementaire donnée à un député qui peut décider de manière discrétionnaire quelle association il aide ou pas, ce n’est pas ça le service public. D’un point de vue de la transparence de la vie parlementaire, cette suppression était une bonne chose. Par contre, ils ont aussi supprimé les emplois aidés. Le réseau FLAM (Français LAngue Maternelle, ndlr) par exemple, c’est un joyau qu’il faut préserver. Il est compris dans le budget de l’AFE mais n’a pas de ligne budgétaire spécifique, ce qui veut dire qu’on peut le supprimer à tout moment. Est-ce que M. Vojetta est allé à l’hémicycle se battre contre ça ? Non. Ce que je veux dire, c’est que nous serons aux côtés des associations pour les défendre au mieux, et ce sera bien plus efficace qu’une réserve parlementaire clientéliste et opaque.