Face à la vague RN, ces Français de Barcelone entre angoisse et activisme

Les Français de Barcelone sont nombreux à vivre les bouleversements politiques récents derrière un écran. Entre culpabilité d’être loin et volonté d’agir localement, comment vivent-ils leur expatriation lors de cette période pour le moins étrange ?  

Photo de couverture : Maxime Le Pihif

Depuis le raz-de-marée de l’extrême-droite qui a bousculé les élections européennes le 9 juin dernier, suivi de l’annonce surprise du président Macron de dissoudre l’Assemblée nationale dans la foulée, la vie politique française est en profond bouleversement. À l’approche de nouvelles élections le 30 juin et 7 juillet prochain, des manifestions ont lieu un peu partout dans l’hexagone, en grande partie pour contrer la montée de l’extrême-droite.

En revanche, à Barcelone, c’est le calme plat. Pourtant, certains expatriés appellent au rassemblement. Mais a-t-on la légitimité de s’exprimer sur ces sujets lorsqu’on a fait le choix de quitter son pays ? Et comment vivre avec la culpabilité de ne pas être présent quand sa famille ou ses amis restés en France sont touchés par ces changements ?

Loin des yeux, loin du coeur ?

« Du point de vue des expatriés, c’est très bizarre : on est à la fois loin et près de ces conflits », explique Marion, 31 ans, à Barcelone depuis 2 ans. Comme des milliers d’autres Français de Barcelone, celle qui est originaire de Toulouse et créatrice de contenu sur les réseaux (largement suivie sur son compte Instagram féministe @punchlinettes), se sent étrangement loin de ce qui se passe dans son pays natal. Depuis l’Espagne, la seule manière de vivre « en direct » la vie du pays passe par les médias et les réseaux. C’est donc à travers un écran que la plupart des expatriés vit ce grand chambardement, et constate, impuissant, sa qualité de seul spectateur.

En images. Clameur contre le Rassemblement national

Photo : TDL

Dans certains cas, cette frustration se transforme en angoisse. Le contact avec les proches aide, mais inquiète aussi parfois. C’est le cas de Cédric, trentenaire arrivé il y a 2 mois à Barcelone. Issu de l’immigration italo-maghrébine par ses grands-parents, la montée des partis d’extrême-droite fait peur au lyonnais d’origine : « Je n’ai pas l’angoisse de ne pas être avec mes proches, ce que je ressens le plus en étant loin, c’est que le monde est malade. J’ai confiance en mes proches dans leur manière de gérer la situation, j’ai juste peur pour l’avenir »

Les Français qui ont construit leur vie en Espagne, comme Marion, craignent aussi de voir leurs liens avec leur pays natal s’amenuiser. La maman d’une petite fille s’est fiancée avec un Péruvien et s’inquiète de pouvoir, ou non, pénétrer de nouveau sur le sol français avec son compagnon si le RN accède au pouvoir. De la même manière, Fabien, un angevin de 29 ans arrivé en Espagne il y a presque 2 ans, est catégorique : « Si le RN passe, je ne vivrai plus jamais en France ». 

Contre l’angoisse, place à l’action

Lors des européennes, le Rassemblement National a attiré 12% des votes des Français d’Espagne. Avec une participation totale de 26%, le taux d’abstention est conséquent, se lamente Marion, pour qui le combat passe par l’action. Celle qui a reçu « au moins 4 demandes de personnes désireuses de participer à une mobilisation » ne se sent pas prête à organiser une telle démarche, mais utilise son compte Instagram pour encourager au vote. Hyper engagée, elle estime que la culpabilité n’est pas une excuse, car « elle n’est que géographique. Pour les expats, internet est accessible : il faut inonder l’espace public, en parler et exhorter à aller voter ».

Voter est le moyen le plus simple de se mobiliser, estiment la plupart des expatriés. Car même de loin, « on reste Français », estime Cédric. C’est d’ailleurs un sentiment exacerbé à l’étranger, et encore plus lors des périodes compliquées comme celle vécue en ce moment, renchérit la toulousaine. Et Fabien de conclure : « s’il y a manifestation à Barcelone, j’irai. Du moment qu’on a toujours un lien avec la France, il faut le faire ».

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