En 1928, la Générale, l’équivalent du gouvernement de la Colonie franaise de Barcelone, a trouvé un candidat pour le poste de président: Paul Jaime. En quelques années, celui-ci donne une nouvelle impulsion à la colonie. Son bilan est si brillant que la Générale refuse de s’en séparer, quitte à l’élire contre son gré. Retour sur cette période hors-norme.
Paul Jaime, les années d’actions (1928-1932)
Lorsque Paul Jaime est désigné en mars 1928 pour présider la Générale, il est déjà bien connu dans la colonie. Arrivé en 1902 en tant que représentant commercial de la maison suisse Goldstuck, Hainzé et Cie, et par la suite à son propre compte, il est engagé discrètement dans la colonie dès la Première Guerre mondiale. Sa carrière prend un tournant décisif en 1924, année marquée par les prémices d’une politique de rajeunissement au sein de la colonie. Il est alors nommé vice-président de la Chambre de Commerce (actuel CCI). Il en devient président en 1925. En 1927, il accède la présidence de l’Alliance Française. Le poste de président de la colonie est pour ainsi dire une consécration.
Paul Jaime marque de son empreinte plus qu’aucun autre président la Colonie. Il est partout et présent à tout. Sa jeunesse lui permet d’assister à toutes les cérémonies et à tous les galas. En seulement quatre ans, son bilan est impressionnant. Il légalise le collège français (actuel LFB). Il favorise l’acquisition par la Générale de l’édifice de Provenza, 325, afin d’y installer l’Institut (actuel IFB). Enfin, il démocratise la gestion de l’Hôpital français.
L’efficacité de son travail favorise ses réélections, non seulement à l’unanimité, mais également en mobilisant sans cesse plus de grands électeurs. En 1931, 46 grands électeurs participent à son élection, très loin devant des 19 réunis par son prédécesseur. Eugène Oswald.
Son mandat est également caractérisé par un rôle diplomatique de premier plan. En 1929, il représente les Français de Barcelone lors de l’Exposition Universelle de la ville, jouant un rôle actif au sein du pavillon français. En 1931, la monarchie espagnole est renversée suite aux élections municipales qui voient les républicains l’emporter. Certains titres de presses français, tel l’Action française, journal monarchiste, affichent leur hostilité vis-à-vis de la nouvelle république. Les intérêts français à Barcelone sont menacés. Paul Jaime forme alors une commission avec les principaux dirigeants de la colonie pour exprimer solennellement sa sympathie envers le nouveau régime et condamner les positions hostiles
Paul Jaime, archives de son entreprise
Paul Jaime, élections forcées et sens du devoir (1932-1935)
Cependant, après quatre années d’engagements intenses, Paul Jaime veut se retirer. La tâche est trop lourde. En effet, la fonction de président est totalement bénévole, sans rémunération ni aide de secrétaire. En avril 1932, il annonce son intention de se retirer, mais la Générale le réélit largement, lui forçant la main. Un homme comme lui est trop précieux, juge-t-on. Il conditionne son maintien à l’obtention d’un secrétaire. On le lui promet, mais n’obtient pas gain de cause. Alors, en avril 1933, il propose à nouveau sa démission. Toutefois, la Générale le réélit encore une fois. Il accepte les résultats, motivé par le sens du devoir et pour éviter une crise de leadership, puisque personne d’autre ne fait l’unanimité pour lui succéder. C’est dans ce contexte qu’il lance le projet de la « Maison de France », un ambitieux projet visant à regrouper toutes les associations de la colonie sous un même toit.
En avril 1934, la situation se répète : La Générale le réélit contre son gré. Irrité mais toujours guidé par son sens du devoir, il ne va pas jusqu’à concrétiser ses menaces de démission. Pendant ce mandat, l’Espagne est secouée par une importante révolte durant laquelle Lluis Companys, le président de la Generalitat, proclame l’État catalan. Une fois de plus, l’histoire est au rendez-vous de son mandat. Toutefois, en avril 1935, Paul Jaime atteint ses limites. Devant l’intention manifeste de la Générale de le réélire une fois de plus, il sollicite l’aide de M. Trémoulet, le consul de France à l’époque. Ce dernier convoque les membres de la Générale et les contraint à désigner un successeur. Comme c’est un ordre du consul, la Générale cède. Paul Jaime est ainsi libéré de ses fonctions, mais conserve tout de même la présidence de l’Alliance française et de la Chambre de Commerce. Ce qui fait que durant les années qui suivent il conserve une grande influence.
L’histoire des Français de Barcelone
L’historien Guillaume Horn, auteur de cet article, a dirigé les recherches et la rédaction de l’ouvrage LES FRANÇAIS DE BARCELONE, OMBRES ET LUMIÈRES – DU XVE AU XXE SIÈCLE.
Le livre est toujours disponible et s’il est acheté à la librairie française de Barcelone Jaimes, tous les revenus sont reversés à la Bienfaisance. Infos et commandes sur le site de la librairie.