Instagram, Tik Tok, Facebook… Et si l’avenir du catalan se jouait sur internet ? C’est ce que semble penser la région, qui vient tout juste d’ouvrir 24 bourses à destination des influenceurs catalans.
Photo de couverture : Tik Tok Can Putades
« C’est une initiative importante et nécessaire », témoigne Joana, une des membres du groupes d’influenceuses catalanes Can Putades, suivies par 83 000 abonnés sur Instagram. Comme elles, de nombreux créateurs de contenu sur internet vont postuler aux subventions mises en place par le gouvernement catalan. Ouvertes aux candidatures depuis le 22 mai, ces bourses ont pour but de promouvoir la langue afin qu’elle devienne « une langue d’usage normal sur internet ».
Dans les faits, ce sont 24 bourses d’un montant total de 312 000 euros qui seront divisées pour rémunérer 24 créateurs de contenu différents, et ce chaque année. Habitué à financer les médias, c’est la première fois que le gouvernement catalan investit dans des influenceurs, et avec une somme aussi conséquente. Pour pouvoir espérer toucher un peu de cet argent, les postulants devront faire preuve d’ingéniosité, et imaginer comme l’exigent les modalités des bourses une série de productions en langue catalane, c’est-à-dire plusieurs vidéos respectant un même thème.
Facile, pour Joana et ses amies, de respecter ces règles. En effet, elles qui produisent du contenu uniquement en catalan sont de ferventes défenseures de son usage. Originaires de la Garrotxa près de Gérone, les trois filles ont débuté sur la plateforme Tik Tok en racontant leur quotidien d’étudiantes à Barcelone. Dans leurs vidéos, elles racontent avec humour les différences entre les villages catalans où elles ont grandi et la vie citadine de Barcelone tout en renouvelant sans cesse leur désir de voir le catalan utilisé davantage dans la cité comtale.
Malgré leur succès phénoménal, Joana explique que produire du contenu dans un dialecte peu usité n’est pas forcément aisé : « C’est très difficile de produire du contenu en catalan parce qu’on ne peut pas parler à beaucoup de monde, au final c’est un langage qu’on ne parle qu’ici, en Catalogne ». La jeune femme espère toutefois que les subventions octroyées par le gouvernement catalan changeront les choses et encourageront d’autres jeunes à promouvoir la langue sur les réseaux.
La sauvegarde de la langue passera par internet
Internet est-il l’avenir du catalan ? C’en est tout du moins l’un des vecteurs. Si plus de 10 millions de personnes dans le monde parlent catalan, il est toujours difficile de sauvegarder une langue qui reste enclavée sur un territoire, et la menace de sa disparition plane. Selon la dernière enquête de la mairie (avril 2024), seuls 37% des habitants de la ville utilisent le catalan quotidiennement. Un statistique qui effraie quand on sait que depuis 5000 ans, au moins 30 000 langues ont disparu. En cause, la mondialisation et la domination des langues fortes de la colonisation comme le français ou l’anglais, dont l’usage se répand et fait peu à peu disparaître les spécificités linguistiques propres à chaque pays.
Mais le catalan ne compte pas se laisser abattre aussi facilement, le prouve cette initiative du gouvernement qui a compris que l’usage d’une langue est aussi une histoire de souveraineté culturelle. Celle-ci passe par les médias, et depuis le début du 21e siècle, par internet, et notamment par les réseaux sociaux. C’est sur ces plateformes que les jeunes surfent tous les jours, et ce sont eux qui assureront l’avenir ou le déclin des dialectes. Sur ce point, la langue de Gaudi s’en sort bien puisque Facebook, YouTube, Twitter, WhatsApp, Telegram et Tinder ont une version catalane, et seuls Linkedin et Instagram n’en ont pas. Ou du moins pas encore.
