Figueres : le fief de l’extrême-droite en Catalogne

Figueres, ville du musée Salvador Dali, voisine du centre commercial de la Jonquera et frontalière avec la France a offert un score remarquable aux forces de droites nationalistes. Décryptage.

Depuis les élections du 12 mai, il y a désormais deux forces politiques d’extrême-droite implantées en Catalogne avec une présence parlementaire. Particularité due à l’essence locale, chacune défend son nationalisme : espagnol pour Vox, catalan pour Aliança Catalana (AC). Les deux mouvements se rejoignent sur l’essentiel : il faut expulser les musulmans de la Catalogne. Silvia Orriols, leader d’AC, ajoute qu’il faut aussi expulser l’État espagnol.

Figueres, et ses 50.000 habitants, à une encablure de la frontière, est la plus grande ville de Catalogne à avoir offert un score confortable aux extrêmes droites. 12% vont à Aliança Catalana et 10% à Vox. La sociologie de la ville, comme toujours, explique le résultat : il y a 29% de population étrangère à Figueres, contre seulement 5%, il y a 10 ans. La ville a attiré une immigration maghrébine et d’Amérique latine désireuse de travailler dans le secteur de la construction. Une fois le boom de la bétonisation terminé, ces personnes, souvent peu diplômées, se sont retrouvées au chômage sans alternative de conversion professionnelle. Ces communautés, installées dans un centre historique vieillissant et dans les polygones construits durant la fin du franquisme, ont changé le visage autrefois bourgeois de cette commune.

Ripoll : là où tout a commencé

Figueres a offert un député à Alliança Catalana. Mais il n’y a pas qu’au bord de la mer que la formation obtient des scores flatteurs. Dans les terres, dans la ville de Ripoll, AC est arrivée en tête avec 33,1% des votes. Il faut dire que Silvia Orriols est la maire de cette ville de 11.000 âmes, devenu le laboratoire du parti.

2017, des attentats ensanglantent la Rambla de Barcelone et la station balnéaire de Cambrils. Les islamistes auteurs des faits résidaient à Ripoll. Cette séquence marquera le début de la relation politique entre la ville et Alliança Catalana. Silvia Orriols, 39 ans, militante historique du Front National de Catalogne, a quitté ce parti en 2020 pour créer la fameuse Aliança Catalana.

Orriols a tenté d’interdire aux étrangers de s’inscrire sur le registre municipal. Une démarche administrative indispensable et obligatoire pour accéder aux services publics, comme le système de santé par exemple. La mesure, illégale, a été annulée par le gouvernement de Catalogne.

Expulser l’Espagne et la France de la Catalogne historique

Silvia Orriols possède une idéologie très similaire à celle d’Eric Zemmour en France. Elle défend la théorie du grand remplacement, selon laquelle la population maghrébine a pour objectif d’être plus nombreuse que l’autochtone afin de prendre le contrôle du territoire. Orriols se plonge dans l’histoire pour déployer son programme actuel. Retour avant le traité de 1656, quand la Catalogne allait des Pyrénées-Orientales jusqu’à Lleida. De fait, Aliança Catalana ambitionne d’expulser l’État français dans le département des Pyrénées-Orientales et l’Etat espagnol de l’actuelle Catalogne. Dans une déclaration publique à Barcelone en 2020, Orriols affirme qu’il faut commencer l’expulsion de ces colonisateurs, en supprimant la langue espagnole de toutes les institutions, de toutes les administrations et dans les écoles. Pour AC, le catalan sera l’unique langue officielle du territoire.

L’autre visage de l’extrême droite en Catalogne, Vox, propose l’exact contraire : une défense de langue espagnole, en péril en Catalogne selon le parti, et l’interdiction des partis indépendantistes.

Pour le moment, c’est Vox qui tient la dragée haute avec 11 députés contre 3 pour Aliança Catalana. Vox bénéficie d’une campagne nationale, gouverne entre autres les régions de Valence et des Baléares avec la droite classique. AC, pour le moment, est un parti très local, avec une leader qui manque ouvertement de charisme et d’aura médiatique. Ce qui n’a pas empêché le mouvement d’effectuer une percée. Que se passera-t-il demain si le parti est dirigé par une figure plus célèbre  et plus à l’aise dans les médias ?

Recommandé pour vous

Bloqueur de pubs détecté

Merci de désactiver votre bloqueur de publicités pour accéder gratuitement aux contenus d'Equinox.