Déjà signalées depuis quelques années, les arnaques de sous-location immobilière sont légion à Barcelone. Une toute nouvelle affaire vient s’ajouter à la pile de dossiers, dans le quartier de l’Eixample.
Photo de couverture : Bérenger Cyne
En juin 2023, la police avait démantelé 23 organisations de ce type, mais ça n’a pas suffi pour empêcher d’autres de recommencer. C’est ce dont a récemment témoigné la propriétaire d’un appartement de 100 mètres carrés dans la rue Roger de Llúria, juste au-dessus de l’Avinguda Diagonal. Elle a accepté de louer son bien à un homme qui s’est présenté comme un cadre russe récemment muté en Catalogne. Quelques temps après la signature, le gardien de l’immeuble appelait la propriétaire – qui réside loin de Barcelone – pour lui signaler que des matelas et des murs en contreplaqué étaient en train d’être installés dans l’appartement.
Ce schéma d’arnaque est bien connu des services de police, puisque le même est utilisé depuis des années par des organisations successives. Au départ, un individu se présente pour louer un appartement, il se fait passer pour un expatrié très riche – fausses fiches de paie à l’appui – et le propriétaire, abusé, accepte de lui louer son bien. S’ensuit alors un système bien rôdé : des murs en contreplaqué sont installés pour diviser l’appartement en plusieurs chambres qui sont ensuite proposées à la location sur des sites en ligne.
En juin 2023, le quotidien catalan La Vanguardia rapportait que trois jeunes Irlandais payaient avec ce système 210 euros pour deux nuits en plein centre de Barcelone : une aubaine, sachant qu’une seule nuitée dans la cité comtale vaut environ 230 euros. En louant chaque chambre à environ 100 euros la nuit, les bénéfices générés sont énormes, et les organisations savent que la justice est mal équipée pour réguler ce genre d’affaires.
Une traduction en justice compliquée
Un maxi-bénéfice pour un minimum de risques rendu possible notamment car ces mafias sont précautionneuses. Sur les sites, l’adresse indiquée n’est jamais celle du bien mais celle de l’immeuble d’à côté. Et dans la logistique, plusieurs personnes se relaient pour s’occuper des vacanciers qui sous-louent : accueil, ménage et entretien sont opérés par différentes personnes.
Face à ces combines, trouver la personne à l’origine de ces systèmes n’est pas chose simple pour la police. Dans la toute récente affaire de l’Eixample, la propriétaire se lamentait à nos confrères de la Vanguardia de ce que la procédure d’expulsion soit si longue :
« Nous avons entamé une action en justice pour récupérer l’appartement. Mais comme ils paient le loyer à temps, notre avocat m’a déjà dit que l’affaire pourrait prendre beaucoup de temps, au moins un an ».
En effet, si la sous-location à des fins commerciales effectuée sans l’accord de son propriétaire est bien illégale, le fait que les mafias paient à temps leur loyer ne facilite pas la poursuite en justice. Au tribunal, l’affaire est considérée comme peu urgente et les délais de parution s’allongent.
Photo : Clémentine Laurent
Certains propriétaires tentent de faire justice eux-mêmes, et si Airbnb accepte de collaborer et de retirer les annonces de son site, c’est plus difficile avec le site Booking, qui s’y refuse. Heureusement, les voisins, eux aussi victimes des désagréments (notamment sonores) engendrés par ces arnaques, s’entraident pour leur mettre des bâtons dans les roues. En effet, ils mettent en place des actions en accord avec les propriétaires floués : changer les serrures ou prévenir les vacanciers qu’ils sont complices contre leur gré d’une arnaque, par exemple.
La police enquête actuellement sur 17 appartements loués sous le même nom. Mais la traque aux logements illégaux à Barcelone est inlassable : on estime à 300 le nombre d’arnaques mises en ligne sur les plateformes chaque mois.