Elections en Catalogne : les socialistes en tête des sondages, les indépendantistes en embuscade

Carles Puigdemont

Les Catalans sont appelés aux urnes ce dimanche 12 mai. Si les sondages donnent le candidat socialiste Salvador Illa en tête, Carles Puigdemont (Junts) espère créer la surprise.  

Photo : Junts per Catalunya

« C’est la première fois en 14 ans que les indépendantistes peuvent perdre la Generalitat ». Pour Sergio de Maya, politologue barcelonais, ce scrutin marque un tournant. Donné favori des sondages, le parti socialiste catalan (PSC) pourrait non seulement arriver premier, comme lors des dernières élections, mais aussi réussir, cette fois, à gouverner. Et pour ce faire, faute de majorité absolue, il devra nouer des alliances avec l’extrême gauche des Comuns, mais surtout avec la gauche indépendantiste d’ERC, menée par le président sortant Pere Aragonès, voire la droite de Junts, dirigée par Carles Puigdemont.

De tels accords étaient encore inenvisageables il y a trois ans, lors des dernières élections catalanes. Mais les partis d’une Catalogne libre sont, depuis, revenus à des discours plus pragmatiques.« ERC et Junts ont compris que le ‘procés’ [NDLR : processus politique débuté en 2012 pour obtenir le référendum d’auto-détermination et l’indépendance] est terminé et les citoyens eux-mêmes réclament un gouvernement de gestionnaires », poursuit le politologue.

La pandémie, une inflation parmi les plus fortes en Europe puis la sécheresse ont fait revenir les Catalans à des sujets du quotidien. Le changement climatique est désormais leur première préoccupation. De leur côté, les dirigeants séparatistes, poursuivis pour la tentative de sécession en 2017, ont aussi mis de côté leur guerre frontale avec Madrid pour négocier une amnistie et d’autres avantages pour la région. « Les barrières sont progressivement tombées, par nécessité, entre les socialistes au pouvoir en Espagne et les indépendantistes », confirme Sergio de Maya.

salvador illa

Photo : Clémentine Laurent (interview de Salvador Illa pour Equinox en 2021)

Même Carles Puigdemont, auteur de la déclaration d’indépendance et exilé en Belgique pour échapper à la justice espagnole, se présente en gestionnaire responsable. « La Catalogne a besoin d’un bon gouvernement », clament ses affiches électorales. Tout récemment installé dans les Pyrénées-Orientales pour mener campagne au plus près de ses électeurs, l’ex-président catalan reste toutefois « imprévisible », selon les observateurs politiques locaux et peu enclin aux alliances avec les socialistes.

Puigdemont, en outsider

Donné deuxième dans les sondages, Carles Puigdemont grappille tous les jours un peu plus de voix le séparant de Salvador Illa, bénéficiant visiblement d’une dynamique positive. S’il arrive premier, ou même second mais avec un bon score, il disposera d’une certaine légitimité pour être investi à la tête de la Generalitat, avec le soutien d’ERC.

Le choix ne pourrait être plus tranché, entre un président non-indépendantiste, figure de modération et d’ouverture, et un président incarnant les plus belles heures de l’indépendantisme. Tous les regards se tournent désormais vers ERC, numéro 3 des sondages et possible faiseur de roi. Le parti de Pere Aragonès jure en public ne pas envisager d’alliance avec les socialistes et pourrait garder la logique des dernières années, formant une majorité avec les autres partis indépendantistes. Mais en coulisses, Junts et ERC ne se supportent pas. Et certains dirigeants de la gauche indépendantistes chuchotent souhaiter une victoire d’Illa pour se débarrasser de Puigdemont qui, en cas d’échec, prendrait sa retraite politique.

« Mais Oriol Junqueras, le vrai patron d’ERC, est lui aussi imprévisible« , rappelle Sergio de Maya. Tous les scénarios sont donc possibles dimanche, selon les rapports de force qui sortiront des urnes mais aussi de ceux qui se jouent au sein même des partis catalans.

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