David contre Goliath. Une association de quartier tente d’obtenir la fermeture de l’usine ultra-polluante appartenant au groupe français Lafarge. La justice a donné raison aux riverains pour en finir avec ce mastodonte se situant à moins de 10 kilomètres du centre-ville de Barcelone. Pourtant, la cimenterie continue ses activités le plus tranquillement du monde.
Architecture monstrueuse crachant des nuages de fumée. Quand on la voit, depuis la route, on sait que l’on est arrivé à Barcelone. Et si l’on a l’impression que cette usine, appartenant au français Lafarge et au suisse Holcin, pollue de manière massive, on est dans le vrai. A tel point que la bâtisse, construite en 1907 sur la commune de Montcada i Reixac, dans la petite couronne de Barcelone, devrait être fermée depuis longtemps. C’est en tout cas la décision de la justice. Aussi bien le Tribunal Supérieure de Catalogne (TSJC) que le Tribunal Suprême espagnol ont statué en ce sens. La cimenterie est dans l’illégalité selon la justice en raison du rejet dans l’air des substances telles que le monoxyde de carbone, le dioxyde de carbone, l’oxyde de soufre, du plomb, du chrome, du cadmium, de l’arsenic, du chlore du fluor, entre autres. En moyenne, cette usine émet 17 tonnes de déchets dangereux et illégaux. Illégaux car ce mode de fonctionnement contrevient aux normes édictées par le ministère espagnol de l’Environnement.
La justice ordonne le scellement des installations
Le TSJC a ordonné par trois fois la fermeture de ce complexe. La dernière décision en date a été publiée par le Tribunal Suprême en novembre dernier et a exigé la fermeture de l’usine et le scellement des installations. Si le colosse est encore en activité, c’est en raison de la complicité exercée par le gouvernement de Catalogne qui, à chaque sentence des tribunaux, autorise de nouvelles licences environnementales.
Le conflit entre Lafarge et l’association des riverains du quartier Can Sant Joan dure depuis quatre décennies. Le schéma est toujours identique. Le collectif de voisins intente une action en justice et gagne le procès. Le gouvernement catalan produit un décret qui est annulé par les tribunaux car il ne respecte pas les normes nationales environnementales. Simultanément, Lafarge interjette un appel contre les décisions judiciaires. Un cercle vicieux qui permet au pollueur de maintenir ses activités. La Generalitat se justifie en expliquant que ses décrets permettent de combler un vide juridique durant la période où la justice examine l’appel.
Études médicales à l’appui, les riverains expliquent que l’usine est dangereuse pour la santé des habitants dans un rayon d’un kilomètre. Notamment dans le risque de cancers qui se trouve accru. Au quotidien, les riverains se désolent de trouver des résidus toxiques flottant dans l’air, ressemblant à des petits cailloux.
L’entreprise se dit « rigoureuse des garanties environnementales »
Dans un communiqué publié chez nos confrères de Metropoli Abierta, l’entreprise quant à elle affirme respecter les garanties environnementales et de transparence. Lafarge estime que son activité de fabrication de ciment est « conforme à la réglementation en vigueur et que les performances de l’usine sont évaluées, de manière continue, au moyen de contrôles rigoureux et d’inspections réglementaires. »
Cependant, un vent d’optimisme de l’association des voisins semble vouloir chasser les nuages noirs de l’usine. Le Tribunal Suprême, plus haute autorité judiciaire du pays, risque de tordre le bras de Lafarge. L’entreprise est la numéro 1 mondiale du secteur de la cimenterie et a fusionné entre 2015 avec le no 2 du secteur, le groupe suisse Holcim. Ce qui permet à ce groupe de facturer chaque année 274 millions d’euros. Le slogan de Lafarge est de « construire des villes meilleures ». Toute honte bue.