Elles sont devenues presque aussi emblématiques de la cité catalane que la Sagrada Familia. Tous les jours, des milliers de perruches survolent Barcelone, posant des problèmes environnementaux, de nuisance sonore et de santé publique. Mais comment un si petit oiseau peut-il poser de si grands soucis ?
Photo de couverture : Vicente Zambrano, banque d’images de la mairie de Barcelone
Qui a déjà posé un pied à Barcelone connaît ces petits volatiles vert pétant, au cri reconnaissable entre mille. Bien que leur endroit de prédilection soit le parc de la Ciutadella, dans le Born, ils aiment aussi venir nicher dans les arbres de l’Eixample et à peu près partout dans la ville : impossible de les rater.
Très intelligents, ces animaux originaires d’Amérique du Sud pour une part (perruches veuves) et d’Afrique du Sud d’autre part (perruches de Kramer) sont des descendants des premières perruches introduites en Espagne dans les années 1970 via le commerce légal d’animaux de compagnie. Certaines d’entre elles se sont échappées de leur cage à l’époque et ont depuis proliféré dans toute la Catalogne, sans modération.
Ces perruches n’étaient pas, au départ, source d’ennuis. Mais la communauté aviaire a grossi, et on estime aujourd’hui qu’elle compte environ 10 000 individus (le dernier recensement officiel datant de 2015 en comptait 6 000). Espèce invasive, les perruches se reproduisent en grand nombre – chaque couple donne naissance à au moins quatre poussins – et deux fois plus ici que dans leurs pays d’origine, explique à nos confrères de TOT Joan Carles Senar, responsable de la recherche au musée des Sciences Naturelles de Barcelone.
En cause, les conditions idéales que regroupe la cité comtale pour ces oiseaux. Eux qui aiment nicher dans les palmiers sont bien servis, et en Espagne, contrairement à leurs contrées natives, ils n’ont pas de prédateur. Un train de vie idyllique, mais qui coûte à la cité 200 000 euros par an, continue le chercheur.
Photo : banque d’images de la mairie de Barcelone
Les perruches sont devenues des nuisibles sous plusieurs aspects. D’abord leurs nids, qui peuvent peser jusqu’à 200 kilos – les perruches vivent en famille – dont la potentielle chute dangereuse ferait à coup sûr des victimes, et leurs cris, qualifiés de nuisance sonore par les humains qui vivent à portée d’oreille de leurs chants. Plus grave, ces oiseaux sont dit invasifs, c’est-à-dire que leur présence détruit l’écosystème déjà installé dans les régions où elles établissent leurs colonies. Les petits oiseaux et rongeurs qui vivent dans les milieux arboricoles de Barcelone ont vite été chassés par la présence des ces oiseaux, féroces et grégaires, qui se battent en bande et sans merci lorsqu’il s’agit de protéger leur habitat.
Un problème de santé publique
Si pour l’instant, en Catalogne, il n’y a pas de loi pour réguler l’espèce, des mesures ont été mises en place pour contrôler leur présence. Mais la responsabilité quant à leur gestion est un sujet sur lequel la mairie et la Generalitat ne s’accordent pas. Pour la mairie, il s’agit d’un problème régional. En effet, les perruches ont aussi envahi les campagnes environnantes, faisant des dégâts considérables dans les cultures. De son côté la Generalitat insiste pour que la mairie reprenne le dossier, argumentant qu’il s’agit là d’un problème de santé publique. Pour le moment, quand un lieu est signalé comme envahi, c’est le gouvernement catalan qui s’en occupe. Ses agents contrôlent la zone envahie, donnent leur aval et le cas échéant mandatent des chasseurs pour réguler la population. Mais l’accalmie ne dure qu’un temps avant que les oiseaux ne reviennent en nombre dans les endroits nettoyés.
À Séville et à Madrid, où les volatiles sont aussi très nombreux, des mesures plus sérieuses ont été mises en place, comme la stérilisation des oeufs, la pose de boîtes-cages et l’utilisation de filets de capture. Mais le problème des perruches n’est pas qu’espagnol, puisque les oiseaux se répandent dans toute l’Europe comme une traînée de poudre. Le principal facteur de ces migrations est évidemment le réchauffement climatique, qui permet aux oiseaux de vivre dans des régions plus froides, qu’elles évitaient auparavant. Pour couronner le tout, selon le média TOT, l’augmentation du nombre d’oiseaux serait également la faute des touristes qui les nourrissent. Pire, 40% de la nourriture des volatiles est d’origine humaine. Un coup de pouce alimentaire dont les perruches n’ont certainement pas besoin.