Parvenue à se hisser au rang de référence mondiale du skateboard au début des années 2000, devant San-Francisco ou New-York, la capitale catalane souhaiterait-elle aujourd’hui se débarrasser de ses skateurs ? C’est en tout cas ce que pourrait laisser penser un nouveau plan urbanistique de la mairie.
Photo : Frank Ruiter-Unsplash
« Skateboarding is not a crime ». Le slogan lancé par la marque Powell Peralta – qui a contribué à populariser le skate comme discipline sportive – dans les années 80, serait-il dépassé ? Le plan de réaménagement de la Plaça dels Àngels, place emblématique située devant le musée d’Arts Contemporains du MACBA et spot historique du skate, a été dévoilé en mars dernier par le maire de Barcelone Jaume Collboni. L’intervention, qui devrait être achevée au début de l’année 2027, transformera le skatepark officieux en un espace vert avec des arbres, des bancs et des aires de jeux.
Images du projet fournies par Ajuntament de Barcelona / Meier Partners Architects
Mondialement connu, grâce à son flat parfait et ses curbs au pied du musée, le MACBA attire chaque jour des riders du monde entier, amateurs et professionnels. On y a ainsi aperçu les Français Aurélien Giraud (sacré champion du monde skate en 2023), effectuer un hardflip aérien au-dessus du mythique big gap du musée, ou Adrien Bulard membre de l’équipe de France aux J.O y affronter le brésilien Gabriel Fortunato lors d’un battle.
« Pour les skateurs, la perte de cet endroit marque la fin d’une époque. Mais cela s’est produit tout au long de l’histoire, avec des spots qui disparaissent au fur et à mesure des transformations des villes. Cela n’arrêtera pas les passionnés de pratiquer ce sport, il faudra juste qu’ils trouvent d’autres lieux. » nuance Maximiliano Santapa, skateur de la première heure et propriétaire de la boutique de skate HEY HO, ouverte en 2004 et justement située à deux pas du MACBA, Carrer de Ferlandina.
« Par essence les skateurs sont des sportifs qui s’adaptent. Je ne pense donc pas que ces travaux soient destinée à nous éradiquer, mais à répartir au mieux l’usage de la voie publique, d’ailleurs il est possible qu’ils engendrent de nouveaux espaces de skate même devant le MACBA. Et puis cela fait des années que l’on parle de ces travaux. J’attendrai au moins qu’ils commencent avant de m’inquiéter » , ajoute-il en riant.
Un projet controversé
Du côté de la mairie, on assure que la refonte de la place ne vise pas à déloger les skateurs. Jaume Collboni précise tout de même que le futur espace sera polyvalent et que personne ne le « monopolisera ». Le nouveau projet vise à créer un environnement plus accueillant pour les riverains, les personnes âgées et les enfants. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, car entre les riders qui filent à toute allure sans se soucier des passants, les botellones ou les vagabonds endormis malgré les sirènes de police, le parvis du MACBA ressemble plus à un haut-lieu de la contre-culture (avec ses instants de grâce et ses zones d’ombre) qu’à un EHPAD ou une crèche. Vers minuit, la police vient chasser tout ce petit monde de la place et il ne reste que des tessons de bouteille et des flaques douteuses pour témoigner de la frénésie de la journée.
Dès le lendemain, le même manège recommence, au grand dam des riverains. Le nouveau projet fait écho à de nombreuses plaintes et risque bien de déplacer la communauté des skateurs. Les travaux, dont le budget s’élève à 16 millions d’euros, commenceront en novembre 2024 et devraient s’achever à l’horizon 2027. Le réaménagement de la place s’accompagnera de la création d’un nouveau CAP (centre médical de quartier) qui profitera à environ 22 500 résidents et coûtera près de 13 millions euros.
Ces travaux, s’ils sont peut-être une aubaine pour les habitants du quartier, signeront-ils l’arrêt de mort du skate dans le Raval ? Réponse en novembre prochain.