L’indépendantisme en Catalogne : stop ou encore ?

Indépendance de la Catalogne

Les élections catalanes du 12 mai prochain marqueront un tournant important : soit la région poursuit une démarche de tentative d’indépendance territoriale, soit elle se choisit un président gestionnaire pour régler les problèmes de sécurité, modèle touristique et crise de la sécheresse. Décryptage. 

Image de couverture : DR

Carles Puigdemont bouge encore. Le 130e président de la Catalogne, qui a tenté de proclamer sans succès l’indépendance en 2017, vit exilé en Belgique depuis six ans pour échapper à la justice lui demandant des comptes sur sa tentative de sécession. Il est candidat aux élections catalanes de mai prochain pour tenter de retrouver son poste de président. Afin de mener campagne, il a quitté Waterloo pour prendre un logement près de Perpignan, à la frontière.

Avec la loi amnistiant les délits liés à la tentative de sécession, l’ardoise judiciaire de Puigdemont devrait s’effacer et lui permettre de revenir en terres catalanes. Bloqué au Sénat à majorité conservatrice, le texte devrait entrer en vigueur à la fin du mois prochain.

Mais le logiciel politique de Carles Puigdemont n’est pas mis à jour depuis 2017 avec comme programme de la campagne : l’indépendance, les conflits politiques avec Madrid et les discours identitaires. Face à lui, le président sortant de la gauche indépendantiste ultra-modérée, Pere Aragonès , préfère égrainer les thématiques du quotidien : plan d’augmentation du trafic à l’aéroport du Prat pour éviter la congestion estivale, gestion sévère de la sécheresse, fiscalité en augmentation pour les hauts revenus. Selon ERC, le parti d’Aragonès, les Catalans n’ont plus la tête à l’indépendance, mais à boucler les fins de mois dans un contexte d’inflation ou à savoir s’ils auront de l’eau qui coulera du robinet durant la canicule annoncée du mois d’août. Alors l’argument de campagne est tout trouvé : Puigdemont ne vit plus en Catalogne depuis six ans, il est totalement déconnecté du réel.

Chez les socialistes, avec son candidat Salvador Illa, ancien ministre espagnol de la Santé et favori des sondages, le constat est le même : l’élection se joue sur le quotidien. Celui qui a géré la crise du Covid se présente comme un homme d’État, la tête sur les épaules, capable de résoudre toutes les difficultés de ses concitoyens. Le parti socialiste estime que l’indépendantisme a plongé la Catalogne dans une profonde dépression en lui faisant perdre son estime d’elle-même. Il est grand temps, selon la grille de lecture du parti à la rose, de tourner la page.

L’extrême-droite pour couler Puigdemont

Pour enterrer Carles Puigdemont et le projet indépendantiste, une fois les micros fermés, les partis de gauche exultent face à la présence de la candidate d’extrême-droite indépendantiste Silvia Orriols. Enquêtes d’opinions à la main, de hauts responsables gouvernementaux d’ERC analysent que l’intégralité des votants d’Aliança Catalana sont d’anciens électeurs de Junts, le parti de Puigdemont. « Il est foutu », se réjouit un cadre gouvernemental en off. « Les villages de toute la zone de Gérone, fief de Puigdemont, ont peur de l’insécurité et de l’immigration, ils vont voter pour l’extrême-droite et si Junts parle de renvoyer les étrangers, c’est Orriols qui monte encore plus vite », analyse notre homme. « Orriols est nulle, elle est vide et sans charisme, elle ne fera que 3 ou 4%, mais ce sont les voix qui manqueront à Puigdemont pour gagner cette élection serrée », conclut notre interlocuteur dans son bureau de la Plaça Sant Jaume.

Sílvia Orriols, la nueva lideresa independentista que quiere ser presidenta de Cataluña

Silvia Orriols, lors de son investiture de maire de Ripoll ,en mai 2023

Tous ne partagent pas cet optimisme. Car au siège du Parti Socialiste, on craint que Puigdemont ne fasse un énième coup de théâtre. S’adressant à un public indépendantiste émotif, « il n’est pas exclu que l’ancien président rentre en Catalogne la dernière semaine de campagne et se fasse arrêter par la police », s’inquiète-t-on à Poblenou. A quelques jours de l’application de la loi d’amnistie, Puigdemont ne risquerait pas grand-chose et ne passerait que quelques heures en garde-à-vue avant d’être relâché. Il pourrait ainsi surfer sur un buzz médiatique à coup de boutoir contre une Espagne dictatoriale où la police arrête les leaders démocratiques.

Certains socialistes se rassurent en songeant au fait que Puigdemont aura peur de tomber sur un juge zélé qui le placerait en détention provisoire malgré l’imminence de l’application de la loi d’amnistie. Selon eux, il n’osera jamais traverser la frontière sans avoir la totale garantie de sa liberté de mouvement.

Pendant ce temps-là, à la limite du chantage émotionnel, Puigdemont explique que s’il perd les élections, il abandonnera définitivement la vie politique. « Il ne s’intéresse pas aux Catalans et ne parle que de lui en permanence », a répondu sèchement le Président Aragonès. Ce sont les électeurs qui trancheront le débat dans un mois : soit ils donneront les rênes de la Catalogne à Puigdemont pour relancer le processus indépendantiste, soit ils choisiront un gestionnaire du quotidien avec Pere Aragonés ou Salvador Illa.

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