La nouvelle mode du selfie dans les escaliers du métro de la Sagrada Familia a mis en alerte les autorités. Le lieu est désormais sous surveillance.
Il ne faut pas attendre plus de trois minutes à l’entrée de la station Sagrada Familia pour observer le manège. Deux jeunes femmes descendent, visiblement sans intention de prendre le métro. Elles remontent immédiatement par l’escalator, l’une filmant l’autre qui s’extasie en découvrant le célèbre temple signé Gaudi. Il faudra trois prises et autant d’allers-retours dans les escaliers pour que ces touristes venues de Géorgie s’estiment satisfaites et partent à la découverte du monument. Quelques minutes plus tard, c’est un groupe d’Allemands qui prend des selfies, manquant de trébucher à la dernière marche.
« C’est dangereux, les gens peuvent tomber, mais c’est surtout très incivique, car ils prennent toute la place dans les escaliers et certains recommencent plusieurs fois, ça crée des bouchons et un problème pour la mobilité », explique un employé de la TMB (Transports Métropolitains de Barcelone), posté là par sa direction depuis jeudi dernier. Du matin au soir, il surveille l’escalator, rappelant à l’ordre ceux qui prendraient un peu trop leurs aises.
La surenchère numérique
L’endroit est devenu tendance sur TikTok puis Instagram à la fin du mois de mars, sous le titre de « la plus belle sortie de métro du monde ». Les premières vidéos diffusées impliquaient de caler le téléphone sur l’une des marches des escaliers mécaniques pour se filmer en voyant apparaître la Sagrada Familia.
@tashofthetravel Sagrada Familia Metro Exit > #travel #travelling #fyp #europe #barcelona #sagradafamilia #sagradafamiliabarcelona #sagradafamiliametro ♬ оригінальний звук – julia
La pratique a alors rapidement fait réagir la TMB : elle a illico installé trois panneaux des deux côtés de l’escalier pour signifier l’interdiction de poser un téléphone sur les marches puis mandaté un employé pour la faire respecter. « Tu peux te coincer les doigts en récupérant le téléphone en haut de l’escalator, ou même trébucher et tomber, les gens sont inconscients, s’agace l’agent de sécurité, passablement exaspéré, et ce ne sont pas que des jeunes, il y aussi des personnes qui approchent de la quarantaine ! ».
Selon Josep Maria Tamarit, professeur en droit pénal à l’Université Ouverte de Catalogne (UOC), « la désinhibition augmente quand les personnes interagissent à travers les réseaux sociaux et le narcissisme numérique altère nos valeurs de référence ». Le chercheur évoque aussi une rude concurrence pour tenter de capter l’attention en ligne, poussant l’utilisateur à mettre tous les atouts de son côté pour publier la plus belle photo ou la vidéo la plus spectaculaire. Peu importe donc les possibles conséquences sur soi ou sur les autres. Non contents de provoquer des embouteillages à la sortie de la station, certains se postent ainsi en plein milieu du couloir pour vérifier leur coiffure ou donner les dernières retouches à leur maquillage avant de grimper le fameux escalator.
Du côté de la TMB, on ne sait plus trop quoi faire pour tenter d’enrayer le phénomène. La police catalane est parfois appelée à la rescousse pour maintenir l’ordre et la fluidité des déplacements, et dissuader les plus intrépides. Mais déjà, les Barcelonais perdent patience. « Il y a d’autres endroits pour prendre des photos, non ? », s’énerve une quinquagénaire pressée. La saison touristique vient tout juste de commencer.