Entre catastrophe environnementale et cause du surtourisme, les croisières n’ont plus vraiment la cote. C’est pourtant à l’exploitation de ce marché touristique qu’a été attribué, fin mars, le septième et dernier terminal du port de Barcelone.
Photo de couverture : banque d’images de la mairie de Barcelone – Vicente Zambrano González
Et la palme de la ville méditerranéenne la plus polluée par son trafic portuaire revient à… Barcelone (en 2022, selon un rapport de la Fédération européenne pour le transport et l’environnement publié en juin 2023). Une bien triste victoire, liée notamment aux bateaux de croisière polluants qui font escale dans la cité catalane. Cette situation risque d’empirer, puisque le Conseil d’administration du port de la ville a annoncé le 20 mars dernier céder son septième – et dernier terminal du quai Adosado, comme l’accord convenu en 2018 entre le Port et la mairie le demande – à Catalonia Cruise Terminal, filiale du groupe Royal Caribbean.
Dans les faits, ce nouveau terminal opérationnel en 2027 ramènera un million de vacanciers, ce qui fera grimper à 4,5 millions le nombre de touristes écumant les rues de la ville. Déjà première cité méditerranéenne en termes de croisièristes – encore un record – Barcelone atteindra avec cette décision un point de non-retour : jusqu’à la rupture ? Certains habitants le pensent, comme le montre un sondage réalisé par la mairie en 2023 auprès de ses administrés. Parmi ceux-ci, 55,8% estiment qu’il faut limiter le nombre de croisières, et 61,5% trouvent que la ville a atteint sa limite en ce qui concerne le tourisme.
La pollution, conséquence directe du surtourisme lié aux croisières
Au-delà de l’impact social que représente le surtourisme lié aux croisières, l’impact environnemental est aussi à prendre en compte. Si grâce à la pandémie les mers et océans ont eu le droit à une pause bien méritée, depuis 2019, le nombre de navires touristiques a augmenté et inversé la tendance. Étonnamment, le nombre de passagers montant à bord a diminué : une aberration écologique.
Photo : site web du port de Barcelone
Le collectif barcelonais d’activistes environnementaux Stop Creuers dénonce la responsabilité de Lluís Salvadó, président du port de Barcelone, et condamne sa décision concernant l’attribution du septième terminal. Dans un communiqué publié le 21 mars, le groupe s’indigne du greenwashing opéré autour de cette transaction et rappelle que le tourisme de masse entraîne une myriade de conséquences environnementales :
« Plus de croisières signifie plus de pollution, de toutes sortes, et plus de réchauffement climatique. […] Nous ne croyons pas les mensonges des compagnies de croisière et du port de Barcelone, qui affirment que les navires de croisière polluent moins maintenant; c’est une stratégie claire de greenwashing, puisque de nombreux navires de croisière utilisent encore du fioul lourd, et son substitut, le gaz naturel liquéfié, peut avoir de pires effets en termes de réchauffement climatique. […] Pour ces raisons, SCC condamne fermement l’attribution du 7e terminal, exige qu’il soit retiré pour impératif climatique et demande également qu’un plan contraignant soit établi par le port pour la réduction urgente du tourisme de croisière dans notre ville. Nous ne voulons plus de croisières, de saturation ou de pollution à Barcelone. Les croisières ne seront jamais durables ».
Interrogé par Equinox, le port de Barcelone réfute les accusations du collectif, estimant qu’il s’est tenu à l’accord négocié en 2018 de limiter son exploitation à sept terminaux et mis en place des mesures pour garantir la durabilité environnementale de ses projets :
« Les croisières sont de plus en plus durables, en outre, nous nous efforçons de réduire les émissions dues au stationnement des bateaux depuis des années, en offrant des primes pour les escales en basse saison. Nous favorisons également les navires fonctionnant au GNL, moins polluants. Les navires de croisière ne représentent que 0,2 % des émissions de la ville et le port n’est responsable que de 7% des émissions de Barcelone ».
Déjà fortement touchée par la sécheresse, la ville ne survivra pas au surtourisme si le port ne collabore pas davantage aux efforts de la communauté. Mais tout n’est pas perdu pour autant. Lorsque l’on jette un coup d’oeil chez nos voisins, force est de constater que les efforts paient. Port le plus pollué d’Europe en 2019, Venise est passé à la 41e place en 2022, ses émissions d’oxyde de soufre ayant diminué de 80 %. Cette baisse, due à l’interdiction faite aux navires de croisière de plus de 25 000 GT d’entrer dans les eaux de la ville à partir de 2021, est un exemple encourageant et la preuve qu’un changement notable est possible. Encore faut-il s’en donner les moyens.