Des déchets parfois toxiques en plein air : un véritable fléau dans toute l’Espagne avec parfois des décharges de plusieurs hectares à ciel ouvert. A Barcelone, on n’atteint pas ces proportions mais le problème est bien présent.
Photos : AC/Equinox
Le panorama est digne des plus belles publicités touristiques : une vaste étendue verdoyante, de hauts pins et une vue exceptionnelle sur la capitale catalane, embrassant ses sites et monuments les plus célèbres. « C’est le meilleur point de vue de Barcelone, bien mieux que depuis les bunkers », se félicite Ivan Patrici Navarro, habitant du quartier de Nou Barris depuis un an et expert en gestion environnementale. Pourtant, nul ne vient ici pique-niquer ou s’attarder au coucher du soleil. Les enfants du quartier ne jouent jamais à travers les buissons, qui, à dix minutes du métro Canyelles, marquent le début du parc naturel de Collserola, poumon vert de la ville.
« C’est bien trop dangereux », se désole Odette Viñas, médecin à la retraite. Sous les herbes folles, des bouts de vitres brisées, de trottoirs barcelonais aux motifs bien reconnaissables, de plaques de fibrociment autrefois utilisées pour les toitures et porteuses d’amiante. Tous ces résidus ont probablement glissé d’une première décharge identifiée par le collectif de voisins 3 Voltes Rebel, quelques mètres plus haut.
« Nous avons répertorié 18 décharges illégales en plein air, rien que dans le secteur de Nou Barris », explique Ivan Patrici Navarro. Le collectif en a même fait un circuit de randonnée, publié sur le site de référence Wikiloc. « Un circuit qui n’est pas destiné à profiter de la nature, mais à dénoncer l’incivisme de certaines personnes mais surtout des institutions qui, après 40 ans de démocratie, n’ont pas été capables de mettre fin aux nombreuses décharges que l’on peut trouver aujourd’hui à Collserola », peut-on lire dans la description.
Des résidus de plus de 60 ans
Car ces décharges ne datent pas d’hier. Selon Odette, Ivan Patrici et Ignasi, qui a réalisé le circuit, elles sont nées dans les années 60 et 70, alors que Barcelone construisait à tour de bras et qu’il était bien commode de venir se débarrasser des déchets de chantier dans les premiers mètres du parc natural adjacent. Le collectif a identifié sur place des résidus datant de cette époque : carrelage, pièces de monnaie, bouteilles en verre, jouets, matériel de construction et électroménager. Certains sont là depuis si longtemps qu’ils sont recouverts de terre et de végétation, comme cette cuvette de WC qui semble incrustée dans la colline. Les vieux déchets sont régulièrement rejoints par des apports plus récents, des dizaines de pneus il y a quelques mois, une fourgonnette sans moteur il y a quelques jours. « La merde attire la merde ».
Le collectif de quartier essaie ainsi depuis quelques mois d’alerter les habitants mais surtout la mairie pour que ces décharges soient définitivement effacées du paysage. « Ils construisent des quartiers piétons et des zones de faibles émissions, mais ils ne s’occupent pas du nettoyage d’une partie importante de la ville qu’est le poumon vert de Barcelone », constate Ivan Patrici Navarro, pour qui le fait que le problème se trouve dans l’un des quartiers les plus pauvres de la ville n’est pas un hasard. « On ne voit pas ça du côté riche de Collserola ».
A la mairie, on assure que le problème va être traité, et que certaines décharges ont déjà été déblayées. Sans davantage de détails. Les habitants eux, voient déjà plus loin. Pas question de nettoyer leur quartier pour en faire une énième zone touristique. Ils exigent l’auto-gestion de la zone, pour en faire des potagers et des espaces loisirs pour Nou Barris. « Nous voulons pouvoir profiter de cette part de nature de Barcelone qui nous appartient ».