« Je passe à côté des moments forts de ma famille », la mélancolie des Français de Barcelone

Pour certains Français de Barcelone, s’expatrier est avant tout une séparation avec leur famille restée dans l’Hexagone. Une situation qui alimente parfois un sentiment de culpabilité ou de regret. Témoignages. 

Photo de couverture : Bérenger Cyne / Equinox

L’expatriation est une aventure à plusieurs niveaux. Les plus téméraires bouleversent leur vie pour accéder au métier de leurs rêves ou tout simplement pour assouvir leur désir de découvrir le monde. Quelle que soit la raison du départ, un expatrié peut, à un moment ou un autre, être confronté à un sentiment de culpabilité. Quitter sa famille et son entourage, pour son propre bonheur et épanouissement, est parfois perçu comme un acte égoïste par les personnes « délaissées ». A contrario, les proches peuvent faire preuve d’un soutien sans faille envers les individus désireux de tenter une expérience à l’étranger.

Pour Thomas, 29 ans, professeur à Barcelone, s’aventurer en dehors de la France était un objectif de longue date. Installé depuis 2 ans près de Plaça Universitat, l’Orléanais d’origine recherchait de nouvelles expériences. « Je me suis toujours promis à moi-même de vivre en Espagne. J’y venais souvent en vacances et j’y avais déjà vécu une mobilité Erasmus. C’était l’occasion de tout plaquer et de partir. C’est moi qui ai décidé de prendre cette décision et donc je me suis éloigné de compagne, famille, et amis », confie-t-il à Equinox. Une décision qui alimente néanmoins quelques regrets, notamment sur le plan familial.

Passer à côté de moments forts

Au fil des mois voire des années, les expatriés peuvent pâtir de l’éloignement de leurs proches. Pour Eva, 27 ans, le sentiment de passer à côté de moments forts de la vie de sa famille se manifeste régulièrement. « Je ne regrette pas mon expatriation, mais ce n’est pas facile de voir mes parents vieillir, mon frère et ma sœur fonder une famille et de voir mes neveux et nièces grandir simplement de loin », raconte l’entrepreneuse installée dans la capitale catalane depuis 4 ans. Elle poursuit : « j’ai l’impression de rater un tas de moments simples mais clés dans les nouvelles étapes de vie de chacun de mes proches ».

Un ressenti partagé par Thomas. « Depuis un an et demi, je suis parrain du premier petit de ma grande sœur, c’est peut-être ce qu’il y a de plus douloureux. Il a déjà un an et demi, et je le vois peu grandir. Je sais que ma sœur en souffre un peu, elle aimerait que le parrain du petit soit à côté de façon à le voir grandir pouvoir échanger avec lui ». Si le regret est perceptible, l’enseignant relativise : « C’est finalement juste une relation différente que l’on va avoir lui et moi, il viendra me voir pendant ses vacances et moi aux siennes. » Même constat pour Julien, 27 ans. Si son expatriation est un bel accomplissement pour lui, il déplore les moments passés loin de son entourage : « Je regrette le fait de ne pas être aussi proche de ma famille que je l’aurais été si j’étais resté à Rouen ».

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Julien, le Rennais d’origine, est installé à Barcelone depuis 2017.

Au-delà de l’aspect émotionnel, Eva remarque une forme de pression pour son retour en France. La Bordelaise d’origine ne cache pas que chacun de ses passages dans l’Hexagone est plus ou moins éprouvant : « Le sentiment le plus compliqué, c’est les questions récurrentes du style : « t’es là jusqu’à quand », « Tu pars quand »; mais aussi devoir faire des choix sur son planning et faire de chaque retour un marathon, donc ne pas vraiment en profiter. Tu as l’impression de perdre des points à chaque fois que tu viens parce que tu n’as pas pris le temps de passer voir un ami ou un membre de la famille. « 

La technologie atténue le manque

L’expatriation en 2024 semble indéniablement plus simple qu’il y a 30 ou 40 ans. Principale raison énoncée par les expatriés : la technologie. Pour Arnaud, 31 ans, la distance avec ses proches restés à Rennes est atténuée par les téléphones et ordinateurs. « Je suis en visio avec ma famille toutes les semaines, voire quasi-quotidiennement. Les outils que nous avons permettent vraiment de maintenir le lien » , estime le Rennais installé à Barcelone depuis maintenant 6 ans.

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Eva a posé ses valises à Barcelone il y a 4 ans.

Une analyse corroborée par le natif d’Orléans, Thomas : « Les nouvelles technologies aident beaucoup, on a l’occasion de s’appeler en visio, d’échanger beaucoup de photos via des groupes qu’on a en commun. Ce qui fait que je ne ressens pas tant que ça la distance avec la famille ». A contrario, l’usage du téléphone a ses limites : « C’est difficile de garder contact aussi parce que je préfère profiter des mes connections réelles à Barcelone que de passer mon temps au téléphone ! », s’exclame Eva.

Soutien indéfectible de la famille

Malgré la distance et les bouleversements dans la vie de chacun, derrière une expatriation se cache bien souvent un soutien familial sans faille. Pour Julien, ses proches ont perçu son départ en Espagne comme un tremplin professionnel. « Cela n’a pas été trop dur pour eux de se faire à l’idée que j’allais vivre dans un autre pays, au contraire ; ils étaient plutôt contents que je puisse saisir cette opportunité ! », explique le Rouennais qui exerce dans l’audiovisuel à Barcelone.

Du côté de Thomas, l’appui de son entourage a aussi été précieux : « Ma famille l’a très bien pris puisqu’ils savaient déjà tous que depuis tout petit je leur disais que je ne vivrai pas en France toute ma vie ». Par ailleurs, la proximité de Barcelone avec la France leur permet de retrouver sans trop de contraintes leurs proches. « Je reviens assez souvent trois ou quatre fois », précise l’enseignant de 29 ans.

Et d’autres voient cette proximité comme l’opportunité d’entretenir davantage les liens familiaux : « Ces dernières années, je voyais ma famille en été lorsque j’avais 1 ou 2 petites semaines de vacances, et pareil pour les fêtes de fin d’année ! Mais maintenant, pour des raisons personnelles, j’essaie de revenir plus souvent les voir, en profitant du télétravail qui est complètement accepté par mon entreprise ». Une manière de faire oublier le sentiment de culpabilité !

« Je me suis senti déraciné en m’installant à Barcelone »

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