La mairie renforce son plan de nettoyage de la ville avec de nouvelles mesures, dont l’augmentation des amendes, la collaboration de la police municipale et, plus surprenant, l’utilisation de l’intelligence artificielle. Mais cela sera-t-il suffisant ?
Photo de couverture : compte Instagram de @willy404wonka
Qui a peur du grand méchant graffiti ? Certainement pas le maire Jaume Collboni ni son adjointe à la direction des services de nettoyage, Victòria Plumed. En effet, cette dernière, à l’origine du Pla Endreça Barcelona, un plan dont l’objectif est d’améliorer la propreté de l’espace public, vient d’annoncer différentes mesures pour durcir davantage la chasse aux graffitis.
C’est que Barcelone, à l’instar d’autres métropoles européennes comme Paris ou Rome, est une place forte du street-art. Sur les murs de la ville, les tags jouent un rôle artistique autant que revendicatif. Pas étonnant, dans ce cas, que les Catalans dont la réputation d’anarchistes n’est plus à faire, se soient emparés de cette pratique pour afficher en toutes lettres leur mécontentement à l’égard – le plus souvent – des institutions. La cité est alors devenue un musée à ciel ouvert dans lequel se côtoient messages politiques et fresques décoratives. Mais un tel brouhaha dans l’espace public n’est pas au goût de la mairie de la ville la plus touristique d’Espagne, qui estime que ces oeuvres renvoient une mauvaise image de Barcelone.
Un plan de bataille sophistiqué
Élu en juin 2023, Jaume Collboni a fait de la réhabilitation de l’espace public une des promesses de son mandat, et compte bien la tenir, en gonflant cette année le budget de sa lutte anti-tags de 16 millions d’euros. La raison de tels moyens ? L’inquiétude des citoyens, sondés par la mairie, qui déclarent que la propreté des rues vient en deuxième (juste derrière l’insécurité) dans la liste de leurs préoccupations. Pour conforter ses électeurs, la ville ne lésine donc pas sur les moyens, et axe ces nouvelles mesures autour de trois points-clés.
D’abord, renforcer les actions déjà en place, en augmentant le tarif des amendes, en multipliant le nombre d’agents de propreté et en accentuant la protection de certains éléments comme le mobilier urbain et les sites patrimoniaux. Dans un deuxième temps, un travail important est effectué avec la police, qui tient un rôle de prévention en surveillant certains endroits prisés des graffeurs, ou en prévenant les agents de propreté de la localisation des sites souillés. Carlos Alcaraz, intendant en chef de la Guardia Urbana de la Ciutat Vella, disait à nos confrères d’« El Periodico » : « Depuis l’activation du nouveau plan, nos agents ont intercepté 45 auteurs de graffitis. […] Toutes les actions que nous dénonçons sont transférées aux services de nettoyage pour qu’ils rétablissent la zone dès que possible ».
Photo : Curro Palacios-Mairie Barcelone
Troisième point, complètement novateur et qui sera développé dans le courant du mois d’avril : l’utilisation d’un outil d’intelligence artificielle pour reconnaître la signature des artistes. Dans les faits, les équipes de nettoyage seront chargées de prendre en photo les tags avant de les effacer, et ces images, avec leur emplacement, seront ensuite rentrées dans un logiciel qui permettra de déterminer les endroits fréquentés par les tagueurs. Le logiciel sera également à la disposition de la Guardia urbana, afin d’identifier et arrêter les contrevenants plus facilement.
« L’art de rue existe depuis des années et ça va continuer »
Avec un tel armada de moyens, les graffeurs peuvent choisir de continuer dans l’illégalité, à leurs risques et périls, ou de se rabattre sur une alternative légale : des murs dits « libres », mis à disposition des artistes par la ville. Une solution qui peut paraitre idéale, mais qui ne séduit pas tous les artistes, nous raconte Wonka, artiste français vivant à Barcelone : « Je préfère l’adrénaline provoquée par le fait de graffer la nuit. […] Pour l’instant, je ne me suis jamais fait attraper, je fais attention ». D’autres, comme Ladys Pow, également artiste française habitant Barcelone, estiment que ce durcissement des mesures est nécessaire mais pas complètement convaincant : « Je ne pense pas que ça démotivera les artistes de street-art, mais ça leur fera peut-être prendre conscience de la ville dans laquelle ils s’inscrivent. […] L’art de rue existe depuis des années et ça va continuer ».
Entre une discipline artistique centenaire et les mesures drastiques mises en place par la mairie, impossible, pour l’instant, de savoir qui gagnera la guerre de l’espace public. Mais une chose est sûre : les rues de Barcelone n’ont pas fini d’entendre résonner les bombes (de peinture).
Notre rencontre avec Wonka et Ladys Pow à visionner juste ici :
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