Afin de conclure le dossier sur l’interdiction de fumer en terrasse en Espagne, la Commission de santé publique, composée des responsables du ministère de la Santé et des régions, s’est réunie ce mercredi pour analyser le Plan global de lutte contre le tabagisme 2024-2027.
Photo de couverture : Clémentine Laurent
D’un côté, le ministère espagnol de la Santé, les scientifiques, les organismes sociaux. De l’autre, le monde de la restauration et l’hôtellerie. Les premiers veulent une interdiction de fumer sur les terrasses espagnoles, les seconds redoutent des milliards d’euros de pertes financières.
Pour les bars, cafés, restaurants et hôtels, le cauchemar de 2010 semble se répéter. Cette année-là, le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero décréta l’interdiction totale de fumer dans l’enceinte des lieux de loisirs. Une des lois pionnières et une des plus restrictives en Europe. Le secteur de la bouche annonçait alors un séisme financier. Avec la fin du café-clope, ou de la cigarette entre chaque plat, les Espagnols bouderaient les établissements récréatifs selon les professionnels. En 2024, force est de constater qu’il y a toujours un restaurant et un bar à chaque coin de rue dans le pays.
Interdiction de fumer en terrasse en Espagne : pas de passage en force
Mais, cette fois-ci, l’exécutif ne semble pas tenter un passage en force et veut un consensus. Le gouvernement a sondé les territoires locaux. La Catalogne et les Canaries soutiennent la démarche d’interdiction, tandis que l’ultra-conservatrice Isabel Diaz Ayuso, présidente de la région Madrid, défend la sacro-sainte liberté des établissements et souhaite que les nuages de fumée continuent de planer au-dessus des terrasses de la capitale. Ayuso est devenue l’égérie des restos, bars et consorts en critiquant vertement les restrictions du gouvernement socialiste lors de la longue période du Covid.
Pour fuir le conflit, et arriver à une certaine forme de concorde, le ministère de la Santé dirigé par Mónica García, de l’aile gauche de la majorité, souhaite impliquer le public. Avant de mettre la réforme sur la table du Conseil des ministres, avec une entrée en vigueur pour 2027, les pouvoirs publics lanceront des campagnes de sensibilisation afin que l’opinion publique fasse pencher la balance vers la prohibition.
Les campagnes de communication porteront, entre autres, sur la nécessité de mettre fin à une dépendance qui tue chaque année 50 000 personnes (dont un demi-millier de fumeurs passifs) et qui est à l’origine de 16 types de cancer.
Un large consensus sur les autres mesures pour lutter contre le tabagisme en Espagne
En marge des terrasses, le plan de lutte contre le tabagisme a abordé ce mercredi de nombreux points sur lesquels l’ensemble des institutions du pays, droite et gauche confondues, sont cette fois-ci favorables.
Photo : Bérenger Cyne
À commencer par l’interdiction du tabac sur les plages et dans les voitures si des femmes enceintes et les enfants sont dans l’habitacle. Comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays européens. En France, il est interdit à tous les occupants d’un véhicule de fumer en présence d’un mineur. Une infraction qui est sanctionnée par une amende de 135 euros pouvant aller jusqu’à 750 € en cas de récidive.
L’Espagne est également arrivée à un consensus sur l’assimilation de la cigarette électronique et le tabac conventionnel, considérant qu’elle constitue la porte d’entrée des mineurs vers le tabagisme. Ces derniers mois, l’industrie du tabac n’a cessé de faire pression pour éviter cette comparaison.
Justement, les plus jeunes sont au cœur de ce plan qui vise à réduire le nombre de fumeurs chez les mineurs. A travers tout le pays, 460 jeunes commencent à fumer chaque jour. Une des pistes qui se dégage et qui est soutenue par la majorité des acteurs politiques espagnols serait une hausse massive des taxes sur le tabac, actuellement parmi les moins chères d’Europe, qui pourrait atteindre 8 ou 10 euros par paquet. Et justement, concernant l’emballage, on se dirige vers un aspect générique totalement neutre, autrement dit sans marque apparente. Les pouvoirs publics estiment que cette mesure réduirait le nombre de fumeurs d’au moins 250 000.