Des agriculteurs espagnols ont détruit des produits agricoles en provenance du Maroc pour cause de « concurrence déloyale ». Le Maroc fustige une « stigmatisation » et porte plainte.
Le conflit agricole entre le Maroc et l’Espagne franchit désormais les barrières de la diplomatie pour s’immiscer dans les arcanes judiciaires. Lundi dernier, la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader) a lancé une offensive juridique sans précédent en déposant plainte contre X auprès du parquet provincial de Gérone.
Pour comprendre l’origine de la discorde, il faut revenir sur la colère des agriculteurs espagnols, surtout en Catalogne et en Andalousie, contre une concurrence perçue comme déloyale des produits agricoles marocains. Le 27 février dernier, près de Gérone, ils ont décidé de bloquer cinq camions immatriculés au Maroc qui convoyaient une cargaison d’une centaine de tonnes de tomates et haricots verts, avant de déverser une partie de leur contenu sur la chaussée. Le Comader dénonce des « dommages aux biens et contraintes ».
Prix cassés et normes « moins strictes » au Maroc
La même scène a pu être observée en France : des tonnes de tomates marocaines ont été déversées sur des parkings de supermarchés aux quatre coins du pays. À l’origine de cette animosité : les agriculteurs accusent leurs homologues marocains de submerger le marché de leurs tomates à prix réduit, grâce à une main d’œuvre très bon marché au Maroc et à l’exemption de tarifs douaniers.
Mais les normes phytosanitaires sont aussi au cœur des débats : les manifestants espagnols et français accusent les agriculteurs marocains de bénéficier de règles moins strictes que les pays de l’UE. De leur côté, les associations professionnelles marocaines affirment que les produits qu’elles exportent « sont conformes aux exigences réglementaires des marchés de destination ».
Cette montée d’hostilité croissante et cette « stigmatisation » ont été décriées par le ministre marocain des Affaires étrangères fin février. Nasser Bourita avait critiqué « une géopolitique de la peur et du rejet (…) On s’attaque aux produits agricoles venant du Sud, mais on oublie que l’Union européenne dégage en matière agricole un excédent de près de 600 millions d’euros avec le Maroc », a-t-il souligné. Le pays est devenu en 2022 le principal fournisseur de l’Union européenne en fruits et légumes, dépassant ainsi… l’Espagne.
Pour sa part, le président du Comader Rachid Benali redoute que cette situation ne porte préjudice à de potentiels contrats d’exportation à venir pour le Maroc.
Alerte sanitaire contre des fraises du Maroc
Pour ne rien arranger à cette « stigmatisation » des produits marocains, l’Espagne a émis la semaine dernière une alerte sanitaire suite à la présence d’hépatite A dans des fraises en provenance du Maroc, la qualifiant de « risque sérieux ».
Le conseil régional d’Andalousie s’est empressé de préciser que ces fraises n’ont pas été mises sur le marché et n’ont donc pas atteint les consommateurs. Et la Commission européenne d’ajouter que des contrôles ont été effectués pour empêcher la distribution des fraises contaminées. Mais le mal est fait : la réputation des produits agricoles marocains en prend un (nouveau) coup. Sans compter que l’agriculteur espagnol à l’origine de l’alerte sur les fraises contaminées a déclaré que seule une fraction minime, soit 10% des produits en provenance du Maroc, fait l’objet de contrôles à leur arrivée. Comme de nombreux confrères, il condamne que « le Maroc ait carte blanche pour accéder à l’Espagne ».