Elles sont parfois sans recours pour fuir leur conjoint violent et rentrer en France. Elles ne font pas partie des statistiques françaises des féminicides. Les expatriées seraient-elles les oubliées du combat féministe ?
Photo : Dovile Ramoskaite
Mais qui vient en aide aux femmes expatriées victimes de violences conjugales ? C’est la question que s’est posée Laure Carchon-Veyrier il y a quelques années. Cette travailleuse sociale, sensibilisée aux violences intrafamiliales par son expérience personnelle, avait d’abord décidé de lancer une exposition de photos pour montrer différemment le processus des agresseurs. « C’est toujours le même schéma : des provocations, puis le passage à l’acte verbal ou physique, les excuses, et enfin la lune de miel, et puis ça recommence, à des fréquences de plus en plus rapprochées ». Lassée des campagnes de prévention avec des femmes à l’oeil au beurre noir, Laure Carchon-Veyrier a voulu illustrer l’emprise, la manipulation, la violence psychologique. La partie immergée de l’iceberg : invisible pour l’entourage, mais destructrice.
Forte de son succès, l’expographie a été invitée dans plus de 500 villes à travers le monde et Laure a créé avec son mari et sa fille l’association Mots et Maux de Femmes. « Nous sommes partis du constat que les femmes expatriées n’étaient pas comptabilisées dans les décès pour violences conjugales en France, ce qui voulait dire qu’il y avait des victimes dont on ne s’occupait pas« . Elle n’imaginait pas alors l’ampleur de la tâche, et surtout, « des situations ubuesques » vécues par des Françaises à travers le monde, et notamment en Europe.
En Espagne par exemple, l’association accompagne Jocelyne, une Française qui s’est séparée de son conjoint violent, mais est interdite par la justice espagnole de rentrer en France avec sa fille. Quitter le territoire de résidence sans l’accord de l’autre parent, même s’il est violent et que tous sont Français, est apparenté à un enlèvement d’enfant et entraîne des poursuites pénales. Et dans ces situations, les ambassades de France ne peuvent pas intervenir publiquement, et encore moins lorsque la justice est déjà impliquée. « Elles nous aident quand même en coulisses, et même parfois financièrement », glisse la porte-parole de l’association.
La prise de conscience, une étape cruciale
La prévention est donc son cheval de bataille. Faire prendre conscience aux victimes qu’elles vivent des violences intolérables et les faire réagir avant qu’elles ne se retrouvent dans des situations complexes et enkystées. Un processus parfois long et douloureux, « car toutes ces histoires sont au départ des histoires d’amour ». Comprendre et accepter que ce n’est pas de l’amour est encore plus difficile quand la relation dure depuis longtemps.
Portée par 900 marraines à travers le monde, dont certaines dans les milieux politiques, l’association travaille sur une proposition de loi européenne pour que les victimes puissent rentrer en France avec leurs enfants en cas de violences avérées. Une avancée qui semble indispensable alors que le nombre d’expatriés ne cesse d’augmenter chaque année.
Si vous êtes français à l’étranger et victime de violences conjugales, intra-familiales ou post-séparation, contactez Mots et Maux de femmes par whatsapp ou par téléphone au +33 7 61 01 70 01
L’association n’est pas réservée aux femmes et suit aussi des hommes.
Le numéro espagnol d’assistance de victimes de violences de genre est le 016, le whatsapp 600 000 016, le chat en ligne violenciagenero.igualdad.gob.es et le mail [email protected]