Édito de Guillaume Rostand, Président de la French Tech Barcelona.
Qui est déjà passé devant un de ces cafés faisant office de coworking sent la vibration particulière de la tech à Barcelone. Des tables couvertes de Mac Books derrièrs lesquels oeuvrent des travailleurs de la tech, créateurs de contenu, freelance et solopreneurs, pianotant fébrilement jusqu’à la tombée du jour.
De fait, pour qui habite la ville depuis plus de dix ans, on a assisté à un changement de physionomie manifeste, avec ses bons et ses mauvais côtés.
Barcelone est devenu une des destinations phares des entrepreneurs, digital nomads, employés de la tech. Récoltant des titres et des trophées “Best startup ecosystem”, “Second preferred hub for founders”… traduisant que la capitale catalane a réussi à se faire une place dans le haut du classement des villes où il fait bon entreprendre.
L’un des symboles de cette évolution : le Mobile World Congress, ouvrant ses portes aujourd’hui et nous donnant l’occasion de faire le point.
Si, donc, Barcelone a littéralement explosé ces dernières années – grâce à l’effet cumulé d’une qualité de vie imbattable, de l’essor irrépressible du télétravail et, surtout, des succès locaux de scale-ups d’envergure internationale, sent-on le retournement du marché ?
La réponse est contradictoire : oui et non.
Oui, sur le front de l’emploi, on sent une réelle contraction depuis quelques mois. Les entreprises embauchent moins ou avec bien plus de précautions. Et les installations de boîtes étrangères se calment, même si des ouvertures “iconiques” sont annoncées.
Oui, une période dorée où tout semblait sourire à la ville et au secteur technologique est derrière nous. S’accumulent à la relative diminution des recrutements donc : la chute du nombre de levées de fonds, mais aussi l’essor de Madrid et Valence comme alternatives à la capitale catalane. On sent que Barcelone a, quelque part, vécu sa “hype”.
Mais ce changement traduit aussi une certaine maturité : moins de projets hasardeux, moins d’entreprises croissant trop vite (plus en dépenses qu’en recettes), plus d’entreprises solides qui, plus précautionneuses, se développent raisonnablement.
Et puis la ville attire toujours, toujours autant. Il sera peut-être plus difficile pour ceux qui arrivent de faire leur trou – sauf à avoir consolidé une activité préalablement, il y a un sentiment de difficulté qui avait disparu pendant quelques années. Mais est-ce si mal?
Certainement pas. Il y a toujours des opportunités et des initiatives, mais plus de concurrence – pour des jobs et de nouvelles difficultés liées à un environnement économique vacillant.
Ce qui, en revanche, est essentiel, c’est d’assurer cette transition vers une position plus “mainstream”.
J’entends par là qu’à l’instar de Lisbonne, Barcelone doit à la fois éviter de devenir un zoo pour expats (ceux qui font monter le coût de la vie au risque d’exaspérer les locaux), ne pas se reposer sur les lauriers de sa récente popularité dans ce secteur où la concurrence fait rage, et s’adapter à cette nouvelle réalité dans laquelle la tech va devenir un secteur “comme les autres”.
De fait, un de mes proches amis qui s’occupe des ressources humaines d’une de nos belles boîtes d’ici me le confirmait : “le fait d’être tech et d’appartenir à la French Tech fait nettement moins rêver les candidats qui s’attachent plus à nos initiatives responsables et environnementales”.
À cette image, Barcelone, désormais un des endroits de la tech qui compte, ne devra pas rater la prochaine étape pour continuer d’attirer talents et investisseurs : l’économie verte et les initiatives qui sauront répondre aux nouveaux défis climatiques.