Ces parents qui choisissent l’école française à Barcelone

Opter pour l’enseignement en français ou pour le système scolaire local, la question n’est pas toujours si tranchée parmi les familles expatriées à Barcelone. Témoignages.

Il est un peu plus de 16h à l’angle de la Gran Via et de la rue Sicilia cet après-midi venteux de février. Devant la façade aux lettres colorées de l’école primaire Ferdinand de Lesseps, des parents affluent pour ne pas manquer la sortie de leurs bambins. Comme devant n’importe quelle école, on se salue, on plaisante, on crée parfois des amitiés. Sauf qu’ici, on passe allègrement du français à l’espagnol, en passant par l’anglais ou encore l’italien.

Parmi eux, Eléonore, une Bittéroise qui vit à Barcelone depuis 12 ans. Elle est venue chercher son fils, actuellement en CE2. Son aîné de 12 ans a rejoint le Lycée français depuis son entrée en sixième. Car si cette professionnelle de l’événementiel maîtrise très bien la langue de Cervantes, elle a choisi le système français comme une évidence pour l’école de ses deux enfants. “Leur père et moi voulions nous impliquer dans leur scolarité, et c’est beaucoup plus intuitif dans notre langue maternelle”. Accompagner dans les devoirs, expliquer les leçons, partager les apprentissages : “on n’aurait pas pu le faire aussi bien en espagnol ou en catalan”.

Pour autant, pour la majorité des parents d’élèves, pas question d’isoler leurs enfants dans un système franco-français. Les fils d’Eléonore sont allés dans une crèche catalane et pratiquent leurs activités extra-scolaires dans les langues locales. Pendant les vacances, ils vont au casal (centre aéré) et leurs baby-sitters sont hispanophones. “La famille s’intègre naturellement dans la vie locale, à part pour l’école, on ne cherche pas à faire tout en français”.

ecole lesseps barcelone scaled

Même constat pour Jules, 36 ans et trois enfants. Le plus jeune, de 2 ans, va à la crèche publique, et les deux autres, 6 et 10 ans, sont à l’école française. Mais pour ce cadre commercial et son épouse franco-espagnole, le débat reste ouvert. “Nous pensons qu’en étant dans un cursus français ou espagnol, nos enfants auront plus de choix au moment de choisir leurs études supérieures, mais cela reste complètement possible que nous décidions de les mettre plus tard dans le système local”.

Le Parisien avoue toutefois quelques “possibles préjugés” sur les écoles catalanes, et notamment un enseignement “moins basé sur l’esprit critique, la philosophie ou la dissertation qui nous sont si chers en France”. Ce qui fait encore hésiter le couple, c’est un certain manque d’intégration de leurs enfants au tissu local, l’immense majorité de leurs camarades étant français. “Ils continuent d’avoir un accent quand ils parlent espagnol, et ça nous gêne un peu”.

Le frein du catalan

Pour Jules, la décision aurait sans doute été plus simple dans une autre région d’Espagne. Mais avec un système public en catalan, langue qu’il ne maîtrise pas et qui offre moins de débouchés, le choix se complique. Dans les écoles publiques, au minimum 80% des cours sont donnés dans la langue de Verdaguer, idiome véhiculaire officiel de l’enseignement en Catalogne. Il y aurait encore l’option d’une école privée en espagnol, mais elle serait sans doute gérée par une communauté religieuse, ce qui ne le convainc pas non plus. “On n’a pas d’avis hyper tranché sur la question, mais en même temps tout se passe bien à Lesseps, alors pourquoi changer quand tout va bien?”.

Car tout n’est finalement qu’une question d’équilibre. “C’est un choix personnel et très délicat”, confie à Equinox une experte de l’aide à l’installation qui préfère garder l’anonymat, tant le sujet peut parfois être brûlant. Si certains de ses clients, notamment les “serial expatriés” qui passent d’une métropole à une autre, exigent l’école française, d’autres ont du mal à prendre une décision. “Tout dépend si la famille compte rester ici à long-terme, si à la maison on parle déjà plusieurs langues mais aussi du budget de chacun”.

Car pour suivre sa scolarité en français, il faut compter 4790 euros par an par enfant à Lesseps et 5729 euros au Lycée français (en primaire, hors cantine et activités extra-scolaires). Un investissement que ne peuvent pas se permettre toutes les familles. “Certaines font l’effort les premières années, puis quand elles se sentent plus à l’aise avec la culture et la langue, elles passent à une école catalane”, poursuit notre experte. Il n’existe donc aucune formule toute faite, et encore moins une formule parfaite, pour la scolarité des expats en herbe. Mais une chose est sûre, ils développeront à Barcelone multiguisme, interculturalité, et capacité d’adaptation des qualités qui leur ouvriront toujours de belles portes tant personnelles que professionnelles.

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