Grâce à l’inaction des pouvoirs publics, des macroboulangeries comme Vivari, 365 et El Fornet sont accusées de se livrer à des pratiques de concurrence déloyale évidentes pour les boulangeries traditionnelles.
Vous en voyez à chaque coin de rue de Barcelone. On y vend du café, des croissants industriels, congelés au préalable, d’autres viennoiseries ultra-transformées, et accessoirement, du pain qui nous fait parfois regretter d’avoir quitté la France. Ils s’appellent Vivari, 365, El Fornet, Granier, Pannus, Santagloria, et sont plus d’une vingtaine d’enseignes au total. Chacune possède au moins cinq établissements dans la ville, certaines des dizaines. Dans le quartier de Sagrada Familia, depuis quelques mois, on en trouve littéralement à chaque coin de rue.
Depuis 2013, 397 nouvelles grandes cafétérias-boulangeries ont fleuri à Barcelone, un modèle de franchise qui a saturé le centre-ville. Particulièrement l’Eixample et la Ciutat Vella, quartiers à la fois très touristiques et qui disposent de locaux suffisamment grands : on y trouve la moitié de ces franchises. Des « macroboulangeries », selon leur dénomination plus officielle, qui sont, pour beaucoup, dans l’illégalité.
Des pains industriels à prix imbattables
Selon le média barcelonais Metropoli, au moins 85% de ces cafétérias ne respectent pas la réglementation municipale en vigueur. Cette dernière limite la taille des locaux à 20 mètres carrés (avec une capacité maximale de 14 personnes). Une limite régulièrement enfreinte par ces macroboulangeries, qui peuvent parfois accueillir jusqu’à une centaine de clients. Sans compter qu’on y sert des « formules midi », des plats élaborés et même parfois de l’alcool, ce qu’interdit également la loi. « Il faut faire la différence entre les marques où le pain et la pâtisserie sont les produits principaux, et qui peuvent avoir une zone de dégustation, et les modèles d’entreprise où le pain n’est qu’un appât et qui sont en réalité des établissements de restauration », indique à El Pais Carles Cotonat, directeur du syndicat des boulangers de la province de Barcelone.
Le clou de la concurrence déloyale : les artisans « traditionnels » du pain déplorent que dans la plupart des cas, le pain y soit industriel (un secret de polichinelle), ce qui leur permet une stratégie agressive sur les prix. Ajoutez à cela que les travailleurs du secteur sont aussi victimes de cette pratique : dans ces macroboulangeries, ils gagnent 407 euros de moins par mois que les serveurs de bars, malgré des tâches identiques.
Une plainte laissée sans suite
Les cafétérias de Barcelone ne sont pas restées les bras croisé. En 2019, le Gremi de Restauració a demandé l’inspection d’environ 200 établissements et a engagé des poursuites contre 70 d’entre eux… Mais la mairie n’a pas donné suite. Elle s’était engagée à ouvrir une enquête, restée pour le moment lettre morte. Une nouvelle inspection effectuée en 2023 par l’association a révélé que malgré les violations répétées constatées par les autorités municipales, tous les établissements étaient toujours en activité sans respecter les règlements en place.
« Il est inconcevable qu’une inspection visant à mettre fin à une concurrence déloyale flagrante n’ait pas encore été menée », déplore Roger Pallarols, directeur du Gremi de Restauració. Le syndicat prévoit de déposer une nouvelle plainte auprès de la mairie. Ils examinent aussi les implications légales et pénales de l’inaction des autorités.