La réputation de l’Espagne chez les étrangers n’est pas bien brillante. Mais mérite-t-elle vraiment ces aprioris acerbes ? Il est temps de déceler la vérité dans cet océan de clichés.
Dans les pays d’Europe occidentale du nord et chez les étrangers venus s’installer à Barcelone, on entend souvent les mêmes aprioris. Manque de rigueur à l’espagnole, lenteur de l’administration, mauvaise qualité des biens et des services… Les stéréotypes étrangers ne sont pas tendres avec les Espagnols.
Pour Barbara De Cock, professeure en linguistique espagnole, la réputation de l’Espagne vient avant tout de l’expérience des touristes étrangers… Qui y viennent typiquement pendant les vacances, période propice à la lenteur et au farniente. « Beaucoup de personnes qui ont visité l’Espagne se rendent principalement dans les zones touristiques plutôt que dans les quartiers administratifs de Madrid, où la perception de la ville pourrait être très différente. Ces visiteurs recherchent la détente, la tranquillité et la fête », explique-t-elle.
L’Espagne mieux classée que la France
Ajoutez à cela « la confusion liée à l’incompréhension du fonctionnement de la sieste », note-t-elle, et vous avez les ingrédients de l’image fainéante des Espagnols. Une réputation dont souffrent d’ailleurs d’autres pays du sud de l’Europe, lieux de vacances privilégiés. « Parfois la situation devient plus complexe et politique, surtout avec la crise économique de 2008. Un député néerlandais avait par exemple émis une critique généralisée des « pays du Sud », incluant l’Espagne, suggérant que ces pays avaient adopté un mode de vie trop laxiste, ce qui n’était pas une représentation fidèle de la réalité », pointe encore Barbara De Cock.
Pourtant, l’Espagne n’a pas à rougir dans le classement du prestige mondial des 55 premières économies, réalisé par le Real Instituto Elcano. L’Espagne pointait à la 14eme place générale en 2021, dernière année disponible. Avec une réputation largement au-dessus de la moyenne des pays mesurés, et qui joue des coudes avec des pays européens comme l’Italie (15e), l’Allemagne (17e) et… la France, 18e.
Reste que si elle jouit d’une bonne réputation globale pour la qualité de ses biens et services, la majorité des pays occidentaux de l’UE sont ici considérés comme meilleurs. Derrière cette perception se cachent des prix généralement inférieurs à ceux du nord de l’Europe. Et bien souvent, on s’imagine que des prix plus bas se justifient par une moindre qualité.
Moins cher, moins bien ?
Or l’habit ne fait pas le moine : pour Carmen Gonzalez Enriquez, chercheuse au Real Instituto Elcano, il s’agit avant tout d’une question de perception. « Cela ne veut pas dire que les produits espagnols sont objectivement mauvais. Par exemple, dans la mode, Zara est la marque espagnole la plus connue internationalement. Pourtant, ce sont l’Italie et la France qui bénéficient du prestige historique de leaders dans la mode, alors que l’Espagne vend beaucoup plus », explique-t-elle. Une question de prestige, mais aussi d’un problème de marketing de l’Espagne à l’international, selon la chercheuse.
Par contre, lorsque les étrangers approfondissent leur séjour dans le pays, ils se rendent souvent compte qu’ils étaient dans le faux concernant la réputation de l’Espagne. « Une fois les préjugés surmontés, dans de nombreux cas, les personnes qui s’établissent en Espagne tendent à découvrir des avantages notables », indique Alexis Duc Dodon, avocat français à Paris et à Madrid.
« Ils constatent même parfois que, sur certains aspects, les services offerts en Espagne surpassent ceux de leur pays d’origine. Cela inclut notamment l’accès aux soins de santé, la qualité des services et la restauration, les transports, entre autres. Le rapport qualité-prix est souvent supérieur à un pays comme la France. » Même constat pour la qualité du tourisme rural, où la péninsule s’illustre par rapport à ses voisins européens. La leçon du jour, donc : la richesse d’un pays ne se mesure pas à ses clichés…