Tous les lundis, Equinox laisse ses colonnes à une personnalité francophone de Barcelone, experte de son domaine.
Édito de Stéphane Vojetta, député de la cinquième circonscription des Français de l’Étranger : Espagne, Portugal, Andorre, Monaco.
« Le numérique, ange ou démon ? ». C’était l’énoncé d’un exposé demandé à ma fille, élève du Lycée Français de Madrid. C’est aussi une question que je me pose chaque jour, et pas seulement quand je me rase le matin : je le fais quand j’enfile mon costume de député des Français d’Espagne.
Le numérique offre en effet des opportunités enthousiasmantes. Il suscite également des fantasmes et des peurs, souvent justifiés. En tant qu’élu vous représentant et que législateur, je me regarde parfois dans le miroir sans savoir si je vais y retrouver le Docteur Jekyll ou son alter-ego Mister Hyde.
Je suis le Docteur Jekyll quand j’œuvre pour la mise en place des solutions technologiques qui pallieront à notre éloignement physique vis-à-vis de nos administrations. Nous, Français de l’étranger, qui vivons par définition hors de la métropole, et souvent loin de nos consulats généraux.
Dématérialiser la procédure de renouvellement des passeports, laisser nos retraités faire leurs certificats d’existence via un système de reconnaissance faciale : cela permettra à nos concitoyens de choisir, d’éviter des déplacements superflus. Et surtout cela évitera – comme c’est trop souvent le cas – de devoir prendre un avion pour honorer un rendez-vous de vingt minutes dans nos Consulats Généraux de Madrid, Barcelone ou Lisbonne.
Bien sûr, certains rechignent au changement et préfèreraient renforcer le nombre d’agents consulaires, quitte à continuer à obliger les Français à prendre l’avion pour rendre visite à ces agents. Le Docteur Jekyll en moi, conscient du défi climatique, fait confiance à nos agents et à nos administrations pour adapter leur organisation et proposer à chaque usager la modalité qui lui convient le mieux : présentiel ou dématérialisé.
En revanche, c’est Mister Hyde qui me regarde dans le miroir quand je m’inquiète de certaines dérives du numérique, et de son influence néfaste sur le développement de notre jeunesse. Développement psychique, linguistique, affectif. Relations sociales, santé mentale, phénomènes addictifs : les preuves s’accumulent qui démontrent les conséquences néfastes d’une exposition excessive aux écrans, ou à des contenus inadaptés aux mineurs.
C’est pour cela que j’avais décidé de réguler la publicité réalisée sur les réseaux sociaux par des « influenceurs », et que je me bats désormais pour que cette loi française, première de son genre dans le monde, soit répliquée par nos partenaires européens. Je me réjouis donc logiquement que l’Espagne prépare actuellement sa propre version de « ma » Loi influenceurs.
C’est pour cela également que, lorsque je rencontre nos entrepreneurs de la French Tech, je leur rappelle de chercher l’innovation et le profit, certes, mais sans oublier leur responsabilité face à l’évolution de notre société.
C’est pour cela enfin que je vais désormais travailler sur la reprise de contrôle des écrans.
Comme vient de le rappeler, Gabriel Attal dans son discours de politique générale, les écrans sont « une catastrophe éducative et sanitaire en puissance ». Nous devons en reprendre le contrôle et déterminer leur bon usage par nos enfants, à l’école et à la maison. Il faut donner aux parents les outils pour leur permettre de gagner cette bataille sans fin, celle du temps d’écran de leurs enfants.
Cette reprise en main est fondamentale. Le futur de notre société en dépend. Mon Mister Hyde prendra toute sa part à ce combat.