L’Espagne se rapproche du modèle économique français qui présente un endettement supérieur à celui de son voisin ibérique. Pourtant, la dette souveraine espagnole suscite de plus en plus l’intérêt des banques. Explications.
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En seulement dix jours, le Trésor public espagnol a déjà émis plus de 26 milliards d’euros. Cela représente 10 % de son programme de financement pour 2024. Le 10 janvier dernier, l‘Espagne a ainsi levé 15 milliards d’euros sur 10 ans. En parallèle, les bons de souscription d’actions ont atteint 138 milliards, soit la plus importante émission publique de dette souveraine de l’histoire de l’euro. Des chiffres qui confirment l’intérêt pour la dette publique espagnole.
Une politique budgétaire proche de celle de la France
Après les ravages de la pandémie, Madrid est désormais plus proche des objectifs de consolidation budgétaire établis par Bruxelles que Paris. Toutefois, la France a également bien démarré l’année sur le marché des capitaux, avec un prêt syndiqué qui a suscité une forte demande. Et pour cause, ce mardi 16 janvier, Bercy a placé une obligation verte à 25 ans (appelée également green bond français), pour un volume de 8 milliards d’euros, après avoir reçu des demandes de 98 milliards.
Ce n’est pas pour rien que l’intérêt des investisseurs pour la dette française répond à une notation proche de la notation financière maximale : AA selon l’agence de notation Standard & Poor’s. Un contexte qui permet de marquer des distances avec la dette espagnole. Toutefois, à l’heure actuelle, l’image de la dette française se dégrade au profit de la dette espagnole.
Des améliorations espagnoles attrayantes
Cristina Varela, économiste chez BBVA Research, reconnaît que récemment « il y a un plus grand intérêt » pour la dette souveraine espagnole . « Il est vrai que tant au niveau du déficit que de la dette publique, on constate une amélioration relative dans l’effort d’amélioration que l’Espagne a fait par rapport à la France », explique-t-elle dans les colonnes du média espagnol Cinco Dias.
Ainsi, l’économie française supporte désormais des niveaux de déficits et de dettes publiques plus élevés que l’économie espagnole, qui augmenteront en 2024. Standard & Poor’s, qui a une perspective négative pour la note de la dette française, prévoit pour la France un déficit public cette année de 4,6 %, contre 3,2 % en Espagne, et un ratio dette/PIB en 2024 de 106,1 % en Espagne contre 109,6 % en France.
Décote de la France ?
Dans son rapport sur les risques pays pour 2024, BBVA Research prévoit également une dégradation probable de la note de la France, « alors que l’Allemagne et l’Espagne ne seraient guère affectées, même dans les pires scénarios ». Cependant, combler le fossé n’est pas si simple. Il existe toujours un écart dans la notation financière des deux pays – AA pour la France et A pour l’Espagne, selon S&P.
« La dette française présente d’autres facteurs techniques qui profitent à sa demande par rapport aux autres pays. Par exemple, il s’agit d’un marché plus vaste, doté de plus de liquidité, avec des produits à terme sur obligations qui continuent à attirer la demande », souligne BBVA Research.
Depuis Afi, l’analyste financier Salvador Jiménez reconnaît également que la trajectoire récente de la dette souveraine française n’est pas aussi positive que celle des obligations publiques espagnoles. Ainsi, il estime que « le profil de crédit de la France se détériore, les deux économies commencent à se ressembler ».