Édito de Nico Salvado, fondateur d’Equinox Barcelone.
Le gouvernement espagnol veut répartir les mineurs non-accompagnés dans tout le pays. Le premier bébé né en 2024 en Catalogne est d’origine étrangère. Ces deux faits ont suffi pour ouvrir un débat, jusqu’ici inédit, de la part des partis gouvernementaux catalans, sur la place de l’immigration en Catalogne.
La ligne de la droite indépendantiste catalane Junts, le parti de Carles Puigdemont, avait été fixée dans les années 90 par le président Pujol selon la doctrine suivante : est Catalan celui qui travaille en Catalogne. C’est donc un virage à 360 degrés qu’opère Junts en plaidant pour les expulsions des étrangers délinquants et flirtant avec la théorie du grand remplacement.
Le positionnement historique de Junts (à l’époque où le parti s’appelait Convergencia) est centriste, oscillant selon les thématiques entre le centre droit et le centre gauche. En amalgamant délinquance et immigration, la formation politique fait un plongeon dans le bain des partis affichant une fermeté en la matière, de l’Italie de Meloni à la France de Le Pen.
Face à l’impossibilité de mener le projet indépendantiste à son terme, Junts fera de la lutte contre l’immigration son étendard de bataille lors des prochaines élections catalanes qui se tiendront en 2025. D’ailleurs, on retrouve des traits d’union entre le projet du durcissement de la politique migratoire et l’ancienne feuille de route séparatiste : il faudra parler le catalan et connaître l’histoire du pays pour acquérir la nationalité, selon la proposition de Junts.
Autre point commun, la limitation de la solidarité. Hier, l’indépendantisme catalan se sentait floué par Madrid dans la répartition du budget national. Territoire riche, la Catalogne paie pour les régions plus pauvres comme l’Andalousie, frappée par un taux de chômage systémique. Aujourd’hui, c’est la répartition des mineurs isolés qui hérisse les poils des indépendantistes. Il y a 4.500 enfants et adolescents immigrés illégaux dans les Canaries, convertissant l’île en une jungle de Calais. Pour baisser la pression, le gouvernement socialiste veut envoyer ces ressortissants dans toute l’Espagne. La Catalogne, qui compte déjà 1337 mineurs isolés, ne peut recevoir de nouveaux clandestins, s’insurge Junts.
Face au faible taux de natalité des Catalans dits « de souche », la droite estime que le peuple catalan pourrait à terme disparaître. Un euphémisme pour ne pas employer le terme de « grand remplacement » popularisé en France par Eric Zemmour.
Dans ce débat agité, la formation de Carles Puigdemont est qualifiée de xénophobe par la gauche mais pourrait en sortir renforcée. 58% des Catalans estiment que la politique migratoire va dans le mauvais sens.