Secteurs bouchés, profils juniors peu attrayants pour les entreprises ou processus de recrutement très lent, l’entrée sur le marché de l’emploi français n’est pas une mince affaire pour les jeunes sortis d’école. A contrario, en Espagne, ces profils sont prisés par les boîtes. Explications.
Décrocher un premier contrat de travail peut se transformer en parcours du combattant en France. L’une des conséquences de ce phénomène est le taux de chômage des jeunes qui est reparti à la hausse au troisième trimestre 2023. Il a augmenté de 0,7 point pour les 15-24 ans et atteint 17,6 % selon l’Insee, soit presque à son niveau d’un an auparavant (-0,1 point). Pour les 25-49 ans, il a grimpé de 0,2 point sur le trimestre et de 0,3 point sur un an, à 6,7 %. Parmi eux, des jeunes fraîchement diplômés sont confrontés à des difficultés de recrutement. Pourtant, dans la péninsule ibérique, les jeunes actifs, notamment étrangers, sont plutôt bien lotis.
La langue française comme atout
Avantage évident des Français en Espagne : maîtriser la langue de Molière. « Parler français constitue un atout très intéressant pour les entreprises espagnoles », analyse Kévin Viau, co-fondateur de Qamyno, une agence de recrutement barcelonaise spécialisée dans la tech. Dans la cité comtale, l’environnement international confère une place de choix aux polyglottes.
Par ailleurs, les candidats étrangers désireux de poursuivre ou de débuter leur carrière professionnelle en Espagne suscitent davantage l’intérêt des boîtes. « Le fait d’entreprendre des démarches pour vivre ailleurs colle une étiquette à un candidat, il passe pour une personne prête à être active, cela va séduire l’entreprise », estime Kevin Viau.
La savoir être prime en Espagne
Si la personnalité d’un candidat est de plus en plus prise en compte par les recruteurs en France, en Espagne, cet aspect est essentiel au processus d’embauche depuis bien longtemps. « Le savoir être est aussi, voire plus important que les compétences », souligne Sophie Lanse, co-fondatrice de Will RH, agence de recrutement basé à Madrid. En ce sens, les entreprises espagnoles étudient le caractère et la faculté d’adaptation du candidat.
« On veut qu’il soit investi et qu’il ait bonne conscience professionnelle. Pour nos clients et pour nous, c’est le critère numéro 1. Grâce à cela, les diplômés étrangers peuvent avoir de grandes chances d’être embauchés et, a fortiori, de gravir les échelons », explique la co-fondatrice de Will RH.
Même constat du côté de Barcelone, « Les entreprises ne se basent pas uniquement sur les diplômes du candidat , mais sur une personnalité qui sera particulière pour le marché en question. La société regarde si le futur employé a des softskills pour le former. C’est aussi plus avantageux si le candidat n’a pas été, en quelque sorte, formaté par une précédente boîte« , confie Kévin Viau.
Analyser le marché de l’emploi espagnol
L’Espagne semble, à première vue, idéale pour se lancer dans le monde du travail. Pourtant, il est nécessaire d’étudier consciencieusement l’offre d’un secteur d’activité. Dans la péninsule ibérique, certaines filières sont bouchées, à l’instar de la France. « Nous recevons beaucoup de candidatures de jeunes diplômés issus de filières marketing, communication, et c’est assez compliqué de leur trouver un emploi car le secteur est complètement fermé, la concurrence est rude », alerte Sophie Lanse.
À Barcelone, la tech est en quelque sorte l’Eldorado des néo-diplômés. « Ici, de plus en plus d’entreprises sont créées, notamment dans la tech. D’ailleurs, dans plusieurs classements, la capitale catalane pointe à la première place des villes intéressantes pour les entrepreneurs internationaux », confie Pierre Farré, co-fondateur de Qamyno. À Madrid, les métiers peu qualifiés, comme téléconseillers, téléopérateurs, conseillers clientèle embauchent plutôt facilement, et « sont accessibles aux jeunes Français, même sans diplôme », ajoute la recruteuse basée dans la capitale espagnole.
Des conditions de rupture de contrat plus souples
Si les entreprises espagnoles embauchent plus facilement des profils juniors, les contrats ibériques permettent aussi de se séparer rapidement d’un employé. En ce sens, les Français en quête d’expérience professionnelle dans le pays de Don Quichotte doivent bien saisir les différentes conditions d’embauche.
« La rupture de contrat en Espagne peut se faire en 15 jours, et ce, même après une période d’essai », explique Sophie Lanse. A contrario, en France, un processus de licenciement peut s’étendre jusqu’à trois mois. « Les deux pays présentent en quelque sorte les deux extrêmes. En France, c’est trop long et en Espagne trop court », ironise la co-fondatrice de Will RH. Ainsi, les boîtes ibériques peuvent se permettre de « prendre des risques » en embauchant un candidat sans expérience grâce à la flexibilité des contrats.
En somme, l’Espagne semble être une alternative de choix pour les jeunes diplômés en quête d’expériences professionnelles. Sa proximité avec l’Hexagone, le défi d’apprendre une nouvelle langue et le coût de la vie relativement bas sont autant d’arguments qui poussent les néo-diplômés à s’expatrier.