Congélation d’ovules, PMA : pourquoi les Françaises se ruent vers Barcelone

Barcelone

Le combat contre l’horloge biologique n’a pas de frontière. Face à l’âge qui avance et à la fertilité qui faiblit, les Françaises se ruent vers la médecine. Mais pas n’importe laquelle : celle de Barcelone. Pourtant, la PMA et la congélation d’ovules sont entièrement légalisées en France. Alors pourquoi choisir l’Espagne ? Paroles de femmes qui n’ont plus le temps, dans un contre-la-montre contre la nature.

Photo : clinique Fertilab

Le temps. Et s’il suffisait d’un train, d’une voiture ou d’un avion pour le rattraper ? De quelques billets pour l’acheter ? De traverser la frontière franco-espagnole pour ralentir la précieuse horloge interne ? Celle qui perd le rythme de ses aiguilles à mesure que se soufflent les bougies d’anniversaire.

Tic, tac. À force de l’entendre, de plus en plus de Françaises toquent chaque année à la porte des cliniques barcelonaises dans l’espoir, un jour, de concevoir un enfant. À Fertilab, centre de fertilité situé dans le quartier de Sant Gervasi-Galvany, 70 % des patientes sont étrangères. Parmi ce pourcentage, une femme sur trois est francophone et a soit congelé ses ovules, soit réalisé une Procréation médicalement assistée (PMA). Dans cette clinique spécifiquement, depuis la pandémie de Covid-19, plus de 100 femmes françaises ont décidé de « préserver leur fertilité » et ralentir la pendule, le temps de se stabiliser professionnellement et personnellement. « Les francophones sont les plus actives derrière les anglophones, et devant les Espagnoles puis les Italiennes », confirme Federica Moffa, docteur gynécologue, parlant parfaitement français.

Longtemps, la raison pointait du doigt la loi. Mais en France, depuis le texte d’août 2021 élargissant la PMA à toutes les femmes, les Françaises ont aussi accès à la vitrification d’ovules entre 29 et 37 ans. Le processus est d’ailleurs entièrement remboursé par la Sécurité sociale. Avantage inexistant en Espagne. Alors pourquoi sont-elles encore si nombreuses à se rendre dans la capitale catalane ?

« J’ai 35 ans mais mon utérus a plus de 40 ans »

« En France, ils sont surchargés. Ils se renvoient tous la balle », assure Sarah, Française vivant à Barcelone depuis un an et demi. À 35 ans, elle vient tout juste de commencer les démarches. Célibataire, sa gynécologue lui a conseillé de se presser. Sa réserve d’ovules s’affaiblit. « Pourtant, on me dit toujours que je fais plus jeune que mon âge, mais mon utérus a plus de 40 ans », se désole l’expatriée. 40 ans, le chiffre critique. Celui aux faibles chances de vivre une grossesse, car cinq ans plus tôt, la fertilité aura entamé sa chute libre. Alors, bien qu’aucune limite d’âge n’existe en Espagne, le nouveau plafond table sur 37 ans. L’âge où l’on cesse « d’être une bonne candidate » aux yeux des médecins. « Or avec les délais de la France, mes 37 ans allaient vite arriver« , renchérit Sarah.

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Acheter du temps pour se libérer d’un poids

Tic, tac. Alors, Sarah a choisi « d’acheter le temps ». « Je veux avoir des enfants, je veux me laisser cette chance. C’est le prix de ma tranquillité ». Le tarif s’étend entre 2 000 et 3 000 euros pour un cycle. À ça, il faut ensuite ajouter la location à l’année. Parfois, elle est comprise. D’autres fois, elle est onéreuse : environ 300 euros par an. Bien plus que chez sa voisine française, qui propose un forfait à 45 euros.

Mais le temps n’a-t-il pas de prix ? À la trentaine, Oriane n’a pas hésité malgré les frais. « Pour moi, c’est une prise de contrôle sur ma vie, car j’ai très envie d’avoir des enfants, mais pas tout de suite. » Pour pouvoir fonder une famille entre ses 37 et 39 ans, comme elle le calcule idéalement, la Bretonne a sauté le pas en mars dernier. « Depuis, je me sens libérée. » Un poids en moins, comme elle le décrit. Celui de ne pas se laisser guider par l’horloge biologique, sans profiter de sa seconde jeunesse d’expatriée française à Barcelone.

Alors qu’Audrey, 43 ans, et Séverine, 42 ans, toutes les deux originaires de région parisienne, du temps, elles, n’en avaient bientôt plus. Elles étaient toutes les deux seules, mais voulaient qu’on les appelle « maman ». « Je voyais 40 ans arriver, seule, et je regrettais de ne pas pouvoir avoir d’enfant », témoigne Séverine, mère de Ninon, née par PMA le 20 janvier 2023. À peine plus tôt que le fils d’Audrey, Jahmany, né le 10 mars.

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Séverine et sa fille

Direction l’Espagne, donc. « C’était plus rapide », expliquent les deux mères seules au téléphone, sur fond de petits rires de bébés. Plus vite qu’en France, où aujourd’hui encore, il faut attendre longtemps. « Depuis que c’est légal en France, on a même plus de demandes ici à Barcelone. Parce qu’on a beaucoup plus de donneurs et on autorise l’anonymat », assure la gynécologue de la clinique Fertilab.

Rarement, rattraper le temps n’aura été si précieux. Mais toujours, le maximiser aura été le nerf du business. Et à ce jeu, Barcelone gagne à tous les niveaux.

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Audrey et son fils

Le remote pour gagner des semaines

C’est grâce à la téléconsultation que Fertilab booste les délais. Le temps se compte même sur les doigts d’une seule main lorsqu’il s’agit de congeler les ovules. « En deux semaines, la patiente a sa première consultation. Elle envoie son dossier avant, avec son échographie et la prise de sang, et on peut déjà commencer au prochain cycle », explique la docteure Federica Moffa. En parallèle, depuis la France, les patientes démarrent le traitement à base d’hormones. Des injections d’une valeur de 1 000 euros, totalement remboursées par la Sécurité sociale en France. « C’est un grand avantage que les Espagnoles ou Italiennes n’ont pas. Donc les Françaises ont tout intérêt à rester chez elles et se faire suivre en France, jusqu’à la dernière minute », concède Federica Moffa, la docteure. Une fois jugées prêtes pour l’opération, les femmes ont 48 à 72 h pour prendre leurs billets, direction Barcelone.

Tac. C’est sous ce timing très précis et dans la capitale catalane que leurs ovules rejoignent les 4 000 autres (donnée de la Société espagnole de Fertilité (SEF) datant de 2020), qui stagnent dans la péninsule ibérique à -196 degrés. LEspagne se place ainsi en leader de la reproduction assistée en Europe, selon les registres de l’ESHRE.

Un taux que s’offre Barcelone, en partie, grâce à sa prouesse technique développée depuis le début des années 2000. « Le niveau est très élevé. Il y a une compétition entre les centres et on a les meilleures technologies. Donc, les choses doivent obligatoirement être faites d’une manière parfaite », assure la docteur Federica Moffa de la clinique Fertilab. « La rapidité et l’excellence font que Barcelone est ´The place to be´. » L’endroit où le temps s’arrête, contre-nature.

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