L’impression de vivre dans une ville sale au quotidien ? À Barcelone, les rues sont nettoyées jour et nuit. Mais chaque matin, la sensation de saleté reste identique. Pourquoi ? Réponse sous les pieds.
Ramassage des déchets, nettoyage tous les jours au jet d’eau et passage de serpillière sur les pavés devant les commerces chaque matin. C’est le traitement que reçoit Barcelone quotidiennement. Et pourtant, toujours la même impression : la cité catalane paraît sale. Depuis plusieurs années, le baromètre de la mairie, qui recense l’avis des Barcelonais, met celui de la propreté sur le podium des préoccupations. Le dernier en date, sorti en juin 2023, place une fois de plus le problème en troisième position.
Mais en filtrant quartier par quartier, c’est en réalité celui de l’Eixample qui s’en plaint le plus. Les habitants du centre de Barcelone mettent en première position de leurs inquiétudes, le manque de nettoyage. Alors même qu’il s’agit de la zone la plus désinfectée de la ville. « Mes collègues et moi faisons un énorme travail. On vide les poubelles, plus tout ce qui a été laissé à côté. On ramasse les sacs, on balaye les rues. Puis le service arrosage passe derrière nous pour rincer les rues », énumère Evelin, 33 ans, éboueuse dans le Raval. À Ciutat Vella, c’est là où se trouve le gros du travail. « Il y a beaucoup de tourisme, donc on a beaucoup de boulot. »
Trois rondes s’organisent tous les jours du lundi au dimanche. 7 jours sur 7, au prix d’un service le matin, un autre l’après-midi et un troisième la nuit. Le tout, 365 jours par an. Une prestation effectuée en non-stop par 4600 agents barcelonais tout au long de l’année, qui l’an passé a coûté pas moins de 293,6 millions d’euros à la mairie. Soit 10,5 % de plus qu’en 2015, en début de mandat de l’ancienne maire Ada Colau. Cette année, le budget a augmenté à 307 millions d’euros. Autant d’investissements qui ne suffisent pas encore. Au grand regret d’Evelin, en première ligne. « Si les gens étaient plus civiques et respectaient notre travail en jetant les papiers et déchets dans les containers correspondant, ce serait bien plus propre ».
Des pavés en béton salissants
Mais là encore, le simple geste de mettre ses poubelles au bon endroit et aspirer les quelques feuilles qui traînent sur le sol en automne ne parviennent pas à embellir la ville. Ni même les litres d’eau pulvérisés et le savon essoré sur les trottoirs. Car à Barcelone, difficile de faire briller la célèbre fleur moderniste qui orne le sol. Les panots de flor ont la peau rude. À raison. Contrairement à d’autres villes comme Paris, aux pavés de granit, « ceux de Barcelone sont en béton. Ils se salissent facilement puisque c’est un matériau légèrement poreux », explique Eva Garcia, architecte au sein de l’étude barcelonaise Lallotja Arcquitectes.
Les « roses de Barcelone » absorbent donc, entre autres, les liquides ainsi que la résine des arbres. « C’est donc plus difficile à laver, et c’est sûrement pour cela qu’on a l’impression que les sols sont sales », ajoute la professionnelle. Selon Eva, le mieux serait de les récurer à haute pression. Mais avec la sécheresse et le manque d’eau en toile de fond, il ne s’agit plus de la priorité. Bien qu’elle le soit chaque jour aux yeux des Barcelonais.