Pedro Sánchez sera investi pour un nouveau mandat de quatre ans à la tête de l’Espagne grâce au soutien des indépendantistes catalans qui vont bénéficier d’une loi d’amnistie effaçant toutes les procédures judiciaires de la dernière décennie. Décryptage.
Le trou noir politique dans lequel les institutions espagnoles sont entrées le 23 juillet dernier lors des élections législatives semble sur le point de disparaître. Carles Puigdemont, toujours exilé en Belgique et récemment inculpé de terrorisme par la Justice espagnole, donne son feu vert pour que ses députés indépendantistes apportent le soutien primordial à Pedro Sánchez pour dégager une majorité parlementaire. Et se faire investir pour un nouveau mandat de Premier ministre, qui sera voté vraisemblablement la semaine prochaine.
Si Puigdemont et son parti Junts Per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne) font le grand saut pour s’impliquer à nouveau dans la vie politique nationale, c’est pour faire adopter une loi d’amnistie. Un texte législatif, validé par les socialistes et le gouvernement, qui va annuler toutes les poursuites contre le camp indépendantiste et va « inclure à la fois les responsables et les citoyens qui, avant et après la consultation de 2014 et le référendum (illégal) indépendantiste de 2017, ont fait l’objet de décisions ou de procédures judiciaires liées à ces événements ».
Artur Mas et Carles Puigdemont blanchis
La loi prévoit d’annuler toutes les affaires ouvertes contre la préparation, l’organisation ou les conséquences des consultations et référendum des 9 novembre 2014 et 1er octobre 2017. Environ trois cents prévenus pourront en bénéficier. Les plus célèbres sont les anciens présidents catalans. Artur Mas, le premier, pour avoir organisé une consultation indépendantiste en 2014. Mas a déjà purgé une peine d’inéligibilité, mais se trouve encore poursuivi par la Cour des comptes afin de rembourser l’argent puisé dans les arcanes publiques pour organiser le vote. Avec la loi d’amnistie, le dossier Artur Mas s’effacera.
Encore plus symbolique est celui de l’ancien Président Carles Puigdemont sur lequel pèse un mandat d’arrêt international, et une mise en examen pour appartenir à une organisation terroriste. Il est reproché à Puigdemont la déclaration d’indépendance de 2017 et son rôle dans l’organisation des émeutes séparatistes qui ont embrassé Barcelone en 2019.
Réfugié depuis six ans en Belgique, Puigdemont n’a jamais été jugé, et ne le sera pas, avec l’approbation de cette loi d’amnistie. L’ancien chef du gouvernement catalan pourra revenir librement en Catalogne sans se faire arrêter par la police. Le texte législatif sera présenté au parlement dans les prochains jours.
Cependant, les effets pratiques ne se feront pas sentir du jour au lendemain. Chaque juge devra émettre une sentence pour appliquer la nouvelle loi et ainsi stopper les procédures. Toutefois, les tribunaux peuvent soulever une question d’inconstitutionnalité de la loi devant le Conseil Constitutionnel, ce qui en pratique paralyserait toute la procédure jusqu’à ce que cet organisme émette une réponse officielle.