Longtemps précurseur, Barcelone semble être moins sur le devant de la scène en termes de création artistique, à tel point que Madrid la supplante désormais. La cité comtale a-t-elle perdu sa place de capitale de l’avant-gardisme ?
Au début des années 1990, Barcelone a débuté sa métamorphose. Les Jeux olympiques de 1992 ont effectivement été un énorme coup de projecteur pour la métropole. L’Espagne accueillait pour la première fois la compétition olympique qui a marqué le début des projets pour la capitale catalane. L’objectif : faire rayonner la ville devant le monde entier. Et depuis, cette soif de briller n’a pas cessé. “En 30 ans, Barcelone est devenue une capitale européenne, méditerranéenne, africaine, et d’Amérique latine”, affirmait à Equinox Pau Angel Solanilla, Commissaire à la promotion de la ville.
L’art comme catalyseur économique
La reconnaissance internationale de la capitale catalane passe en partie par l’art et la culture, très riche et variée. Depuis les années 1970, Barcelone est indéniablement une ville artistique, avec plus d’une dizaine d’écoles de design, de nombreux créateurs et des galeries d’arts disséminées dans toute la municipalité. “Elle a une culture très avant-gardiste, dans tous les domaines, ce qui la rend indémodable et toujours à la pointe”, analyse Pau de Solà-Morales, directeur de l’Ecole de design EINA.
L’industrie de la création représente aujourd’hui 14 % du PIB de Barcelone, ce qui est étonnamment supérieur au tourisme. Ces données démontrent plus que jamais l’image d’épicentre artistique qui caractérise la capitale catalane. “Barcelone transpire l’émotion et la passion, et sa qualité de vie attire les talents du monde entier”, assure Pau Angel Solanilla.
Un facteur attrayant qui incite les étrangers qualifiés à venir, ce qui est bénéfique économiquement pour la ville, puisque cela draine, dans le même temps, les entreprises qui veulent les embaucher. Un mécanisme bien rodé par la mairie de Barcelone, qui mise beaucoup sur l’accueil de ces talents venus d’ailleurs pour développer des start-ups innovantes.
Barcelone, avant-gardiste dans l’âme
L’aspect précurseur de Barcelone est bien ancré dans l’histoire de la ville. Entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, un nouveau courant artistique s’est développé dans plusieurs nations européennes. Ce mouvement se caractérise par une richesse ornementale, un goût pour l’asymétrie, une prédominance des courbes et une admiration pour le monde naturel.
En Catalogne, cette tendance est tout simplement appelée modernisme. Alors que Barcelone traversait une phase de croissance économique, culturelle et urbanistique, ce courant a été rapidement adopté par ses riverains. Cette période faste catalane puise ses origines dans la révolution industrielle et a connu son apogée à travers la célébration de la première exposition universelle d’Espagne en 1888.
Le modernisme comme symbole de la bourgeoisie
Rapidement, l’architecture moderniste de Barcelone devient l’un des principaux signes de distinction de la bourgeoisie. Fédérateur de tous les arts, le modernisme a encouragé la construction de grands projets, principalement localisés dans le quartier de l’Eixample, dont l’objectif est de démontrer sa richesse et ses désirs de contemporanéité.
Avec le soutien des classes aisées, des architectes comme Antoni Gaudí, Josep Puig i Cadafalch, Lluís Domènech i Montaner et Enric Sagnier, entre autres, ont laissé libre cours à leur imagination. Résultat, ces artistes ont conçu des infrastructures et des édifices de logements qui ont bouleversé l’aspect de l’urbanisme classique, mais surtout, qui sont devenus des icônes du modernisme, qui est indéniablement l’époque la plus créative de Barcelone.
Barcelone en perte de vitesse ?
Dans les années 70, après le franquisme, Barcelone s’affichait aussi très libre. « Tout était permis. Il y avait des artistes formidables à la Rambla comme Ocaña, Nazario, etc. Ils avaient beaucoup de talents et ces artistes ont fait bouger les choses. C’était assez Rock’n’roll, Barcelone vivait au rythme de ses concerts, de ses artistes et musiciens », se remémore Angela Lorente, Barcelonaise expatriée à Paris. Cette dernière est productrice de télévision et ex-directrice des téléréalités pour TF1.
Mais après la Movida espagnole, au début des années 80, Barcelone a changé. « Madrid a beaucoup œuvré pour la culture. La capitale espagnole est devenue plus ouverte grâce à son maire de gauche Enrique Tierno Galván et a devancé Barcelone en matière de culture », analyse la Barcelonaise.
Malgré cette perte de vitesse, la mairie de Barcelone est bien consciente de la place importante de la culture. En ce sens,elle a envisagé, en 2021, de rendre accessible la culture à tous les habitants de la ville. Un budget de 68,7 millions d’euros a été alloué au projet pour promouvoir une centaine d’actions dans ce sens. Parmi les initiatives imaginées, le plan « Fem Cultura » qui s’articule autour de huit axes principaux, notamment la promotion de la diversité et du multiculturalisme, la défense de la langue catalane, le féminisme ou encore le développement durable. Barcelone aspire donc à redevenir une référence internationale en matière d’offre culturelle. L’âme avant-gardiste de Barcelone, bien que plus timide, ne semble pas avoir dit son dernier mot !
Provocatrice et subversive, la face (pas si) cachée de Barcelone