Vins d’Espagne : pourquoi les Français en achètent autant ?

vins d'Espagne

La France, première cliente de vin espagnol. En chiffres oui, mais dans les verres, pas tant. Derrière l’explosion du nombre d’importations de liquides ibériques, l’Hexagone cache encore une réticence. Fruits d’une mauvaise image et d’un palais encore trop fermé, qui gagnerait à s’ouvrir. Les analyses et recommandations d’experts.

Photo : Thibault Leray

277 millions. C’est le nombre total de litres de vin espagnol exportés en France, entre janvier 2022 et août 2023, d’après une enquête de l’Institut national des statistiques (INE). Un peu plus d’un an où l’Hexagone a conservé sa place de premier client de liquides ibériques. Mais en est-il vraiment friand pour autant ?

Les chiffres sont trompeurs, estime Anne-Laure Michel, qui promeut les vins espagnols en France via son entreprise Sacacorchos et Tirebouchon. « Ce ne sont pas des bouteilles qu’achète beaucoup l’Espagne, mais du vin en vrac », assure-t-elle. Du blanc ou du rouge sorti de cuve ou citerne, couramment appelé « granel » , qui s’associe davantage au mot « quantité » que « qualité ». « Il vient généralement de la région Castilla-La Mancha. C’est cette région qui exporte le plus, c’est démesuré », ajoute Anne-Laure Michel. Selon elle, le nombre de litres de vins vendus se compte en millions. Et son prix est imbattable : 48 centimes par litre. Le moins cher du marché espagnol, avec l’Extrémadure.

Du « vrac » à la place des meilleures bouteilles

De quoi attirer les foules bleu-blanc-rouge. Mais plutôt celles orientées « business ». « La France en garde une partie pour elle et réexporte l’autre. Soit, elle le met en bouteille derrière des noms comme « Vin d’Espagne », ou bien, elle le mélange avec d’autres vins, puis l’étiquette de Vins de la communauté européenne (VCE) », explique l’experte. Parfois même, les raisins de Castilla-La Mancha à peine récoltés se cacheront dans une « cuvée du patron » d’un restaurant français, ou tout en bas des rayons de la grande distribution.

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Autant d’entourloupes qui abîment l’image du vin espagnol auprès du public français. À tort. Car selon Thibault Leray, responsable commercial Espagne pour Gilbert et Gaillard, derrière la grande machine ibérique, aux commandes d’un quart de la production européenne, se trouve un véritable potentiel. « Il y a une carte à jouer ici, en se dépoussiérant de ce vin en vrac ». Tant dans l’offre que dans la demande.

penedes vignes catalogneTraditionnellement, la France est (et restera) amatrice de vin. Et chez sa voisine, elle pourrait amplement trouver son bonheur, sans trop dépenser ni abuser des coûts de transports. L’Espagne est le plus grand vignoble au monde. Elle possède 13 % de la surface mondiale, 97 appellations d’origines protégées et tout autant de bouteilles aussi bonnes les unes que les autres. Mais au moment de les acheter, ce sont les Etats-Unis, le Royaune-Uni et l’Allemagne qui signent en premier cette année. Alors que la France peine encore à mesurer la valeur du raisin ibérique. « Le marché français est hyperfermé. Les Français consomment français. Même s’ils s’intéressent de plus en plus aux vins espagnols et étrangers », note Thibault Leray, avec une pointe d’espoir dans la voix. Peu à peu, les domaines trouvent leur place sur les cartes des bistros et restaurants de l’Hexagone. Une inscription qu’elle doit à la nouvelle génération, « plus voyageuse et plus curieuse ». 

Des vins d’Espagne parfaits pour les Français

Ce serait dommage de ne pas l’être, confirment Thibault Leray et Anne-Laure Michel. Surtout que, selon les deux professionnels, il existe des marques espagnoles très adaptées au palais français. Que ce soit pour les mousseux et pétillants comme le cava, mais aussi pour les autres vins. Les amateurs de rouge apprécieront notamment de déguster des vins andalous. « Un peu corsés et virils, mais frais à la fois. Ils correspondent parfaitement aux Français qui se tournent souvent vers les Bordeaux, Rhône ou Languedoc », commente Thibault Leray, habitué des dégustations dans les bodegas. Tandis que les grands buveurs de Chardonnay pourraient trouver vin à leur bouche dans les cépages blancs de la Rioja. « Les jeunes blancs sont vifs et fruités, jeunes, frais et légers ».

Une région que recommande aussi Anne-Laure Michel, pour les amoureux de rouge, à l’image des vins du Priorat. Et l’Albariño de Galice pour les blancs. Autant de références avec un rapport qualité-prix qui, en plus de ravir les papilles françaises, peuvent amplement séduire le porte-monnaie. Il ne reste plus qu’à troquer les commandes de citernes pour des bouteilles.

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