De la campagne à la ville ou d’une capitale à une autre. À Barcelone, ces Français ont lâché les commandes et abandonné leurs habitudes du « tout en voiture ». Un kilomètre à pied n’use pas les souliers barcelonais. Bien au contraire. Témoignages.
« Les mêmes distances qu’on faisait en voiture, ici, on les fait à pied. » En quittant la Haute-Savoie pour la capitale catalane, il y a deux ans, Bruce, 47 ans, et sa femme ont laissé leurs deux véhicules derrière eux. Plus question, dans une grande ville comme Barcelone, de circuler à quatre-roues pour aller au travail, emmener les enfants à l’école ou même faire ses courses. Un changement de vie radical par rapport à leurs habitudes en France.
« On habitait dans un petit village, donc la voiture était obligatoire », se remémore l’actuel manager dans une société d’arômes et de parfums à Barcelone. Chacun la leur, d’ailleurs. Car pour se rendre au bureau, lui et Séverine, sa compagne, devaient rouler entre 20 minutes et une heure. Et ce, à raison de deux fois par jour. Le réseau local de transport en commun ne leur laissait guère d’autres choix, à vrai dire.
Mais plus qu’un moyen de transport, pour les deux Hauts-Savoyards, prendre le volant prenait la forme d’une évidence. « C’était la facilité et l’habitude ». À tel point même pour les petits trajets, la famille se retrouvait à bord du véhicule. « Pour aller acheter le pain aussi ! Alors qu’on aurait pu faire l’effort d’utiliser nos jambes », reconnait-il.
Les mêmes distances, à pied et sans stress
À bien regarder en arrière, l’image lui semble presque lunaire. Aujourd’hui, à Barcelone, son moteur n’est autre que son propre corps. « Avec ma famille, on se déplace beaucoup à pied, aussi pour des choses qui nous auraient paru lointaines en Haute-Savoie ». Un kilomètre ? Une banalité. Et c’est tant mieux. Car avec le recul, Bruce constate les bienfaits de ce changement tant espéré au niveau mondial par les écologistes. Une vie bien dans ses baskets, sans fatigue liée à l’indispensable concentration au volant, et moins stressante. « Je prends davantage le temps de vivre. Je regarde plus les gens, je suis moins dans ma routine », explique l’expatrié, qui vit à Les Corts et s’avoue bien plus détendu qu’auparavant.
Question de climat, sûrement. Mais aussi l’envie de fuir les obstacles liés à la conduite en ville. Finis les feux rouges, terminés les bouchons, abandonnés les énervements et coups de klaxon. « Je le vois, dès que je me remets dans une voiture, j’ai tendance à remettre la faute de tout sur les autres ». Quitter son automobile ne rime donc pas avec regret.
« Barcelone invite beaucoup à marcher »
Il faut dire qu’au sein de la cité comtale, entre les travaux et rues à sens unique, rouler en voiture ne fait qu’accroître l’anxiété. C’est d’ailleurs presque se gâcher un certain plaisir. « Barcelone est une ville qui invite beaucoup à marcher, à faire du vélo, ou à prendre le bus », affirme Yann, 41 ans. L’illustrateur Franco-barcelonais a vendu son cinquième véhicule l’année dernière, après avoir mesuré la contrainte de ce moyen de transport et son inutilité. « Mes déplacements se concentraient à l’intérieur de la ville. Je fais exactement pareil aujourd’hui mais sans voiture ». Sans avoir, non plus, la crainte de ne pas trouver de place de parking. Celle de garer son Bicing étant minime en comparaison. À l’inverse, c’est plutôt le goût d’être en mouvement, sous les rayons du soleil, qui prend le dessus.
« Je me balade, j’écoute ma musique, je suis plus tranquille, je m’organise mieux, je prends le temps ». Celui notamment de récupérer sa fille à l’école, à seulement 15 minutes à pied du domicile, dans le quartier de Sagrada Familia. Et de s’offrir l’option retour en bus, si la petite montre des signes de fatigue. Un luxe qu’il ne ressentait pas autant à Paris, lorsqu’il y a vécu durant un an et demi. « Je me déplaçais en métro et à pied, mais l’ambiance de la ville était beaucoup plus hostile ».
La sécurité et rentabilité des transports en commun
Et puis, nul doute, selon le Haut-Savoyard Bruce, cité plus haut, l’étendu et le rapport qualité-prix des transports en commun barcelonais n’a rien à envier aux parisiens. Après l’avoir testé et avant de poser ses valises dans la ville, le choix de se débarrasser des deux voitures françaises semblait alors évident. Aussi parce qu’ici, « que ce soit ma femme ou ma fille, contrairement à d’autres endroits, elles se sentent en sécurité », assure le père de famille. Un point qui pèse beaucoup dans la balance, tout autant que celui de la bonne santé et des économies.
Le compte y est, déclarent Bruce comme Yann, qui n’ont pas hésité à sortir la calculatrice. « Les dépenses d’une voiture à l’année, avec l’assurance et le parking, ne valent pas le coup si on reste à Barcelone ». Et si le désir d’une virée sur la Costa Brava ou dans les montagnes au cours d’un week-end les gagne, une solution fait alors l’unanimité : la voiture de location, en agence ou par application. « Et puis, indépendamment de ça, il y a tout le réseau de train », renchérit Bruce. Eux deux se montrent peu enclins à rouvrir le placard des veilles habitudes. Que le moteur prenne la poussière ? La planète n’en sera que reconnaissante.
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