À l’occasion de la Founders Night qui se tient ce jeudi chez Papernest, Guillaume Rostand, Président de la French Tech Barcelona, fait le point sur l’état d’esprit actuel des dirigeants des entreprises technologiques françaises installées à Barcelone.
“La French Tech cherche son second souffle”, titrait le Café tech, à l’occasion des France Digital days, l’un des événements phares de l’écosystème tech français. Il y est dit que le marché de la tech tremble, entre catastrophisme et espoir.
Il est vrai qu’on s’était un peu vite habitué aux levées massives, aux messages de succès rapide, à la mise en avant d’entrepreneurs à qui tout semblait réussir, sous prétexte de lever des sommes considérables.
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En premier lieu, il convient d’observer que les médias se focalisent souvent sur les « licornes » ou les scaleups, ces sociétés qui ont réalisé d’énormes tours de tables entre 2019 et début 2022, et dont les difficultés sont liées au défit presque impossible de conjuguer rentabilité et croissance soutenue – cette dernière étant essentielle pour pouvoir continuer à justifier des valorisations souvent délirantes. Aussi, quand Luko (qui était valorisée 250M avant de se revendre pour 14M€) ou Iziwork (placée en redressement judiciaire) s’enfoncent, ces histoires font du bruit. Mais à bien des égards, elles sont les victimes d’un système devenu fou et qui revient, lentement, à la raison.
Des investisseurs plus sélectifs
A Barcelone, Florian Lanvin de BloomR résume l’effet de ces événements sur les levées de fonds : « les investisseurs sont très prudents, et principalement sur les tours « late stage » (ndlr: entreprises ayant déjà enchaîné plusieurs tours de tables et levé d’importantes sommes). Mais il y a toujours beaucoup d’argent qu’ils doivent investir. Ils ont tendance à se tourner vers les tours de « seed » (ndlr : les premiers « round » de financement aux montants moins significatifs) ». Mais pour ceux qui ne sont pas confrontés à ces difficultés de financement, la période pousse plutôt à l’optimisme. « Nos résultats actuels nous rendent confiants pour la suite », assure Benoît Martin de Popcarte.
Benoît Fabre de Papernest explique : « après avoir dû faire des ajustements – notamment parce que nous avons été affectés par la hausse importante des prix de l’énergie, nous sommes à nouveau entrés dans une période de croissance » et ajoute « c’est même une excellente période pour recruter des talents qui, il y a quelques mois encore, étant extrêmement sollicités ou particulièrement volatiles ».
Contrairement, donc, à ce qu’on pourrait penser en lisant les titres catastrophistes, la période actuelle offre des opportunités, notamment en matière de recrutement et de conquête de parts de marché. Certaines entreprises envisagent même la croissance externe pour étendre leur empreinte, profitant d’éventuelles difficultés de leurs concurrents pour les absorber.
Cependant, certains métiers connaissent un attentisme, notamment les entreprises de services comme les ESN et les cabinets de conseil, qui sont affectés par les révisions budgétaires de leurs clients et se retrouvent dans une situation paradoxale que Karim Gandara commente ironiquement : « on a un peu l’impression d’être des poulets sans tête, les profils IT comme ceux que nous recrutons sont toujours très recherchés mais nous restons inquiets sur l’avenir et la stabilité du marché ». Comment réagir ? « Réorganiser, prioriser, donner un sens (sans exception), faire plus de suivi, et demander plus de garanties », ajoute-t-il.
Pour celles des entreprises qui dépendent des aides d’État et des régulations européennes, c’est aussi l’attentisme qui domine, comme le souligne un entrepreneur engagé sur le marché de la transition énergétique : « les aides sont au plus bas, on attend l’action de l’État pour dynamiser notre marché, l’avenir sera hautement corrélé aux différents événements macros (guerre, relation avec la Chine, décisions étatiques sur l’électricité..) potentiellement très intéressants ! » Mais rien n’est certain, pour le moment.
Barcelone reste un atout du développement
On peut dire que les entreprises ont senti un changement dans leur environnement ces derniers mois. L’ambiance est moins à la fête folle. Mais que le moral est bon, voire excellent pour certaines, à l’image de Benoît Menardo de Payflow qui anticipe des mois « bien meilleurs que les 6-12 précédents » ou Emmanuelle Guinefolleau d’Amenitiz qui se réjouit : « nous connaissons une phase d’hypercroissance raisonnée, ou nous arrivons à accélérer notre développement tout en maîtrisant mieux nos investissements ».
Optimisme que confirme Antoine Détis de Tool4staffing : « je suis persuadé que les entreprises qui sauront rapidement devenir rentables et tirer profit des bonnes leçons de ces trois dernières années seront les grandes gagnantes lorsque le marché redémarrera ».
Enfin, Barcelone continue d’être la ville idéale pour entreprendre, comme l’indiquent 80% des chefs d’entreprise interrogés. François-Marie Charmet d’Aviquali souligne : « Barcelone s’est révélée être un atout à notre stade de développement, car les profils et parcours des candidats sont très intéressants, et il est plus facile de faire venir des candidats à Barcelone que de les recruter à Paris ».