L’Espagne s’agite autour de la loi d’amnistie que cherchent à imposer les indépendantistes catalans en échange de leur soutien à l’investiture du prochain Premier ministre.
« Quelle amnistie va me rendre mon bras ? Qui va me soigner ? Quels miracles vont-ils faire ? » Lorsqu’il entend la proposition d’amnistie faite aux indépendantistes catalans condamnés par la justice, Angel 47 ans, repense à cette nuit d’octobre 2019 passée sur la Place Urquinaona de Barcelone. Ce policier national espagnol, avec ses collègues des Brigades anti-émeutes, tentait alors de sécuriser une Barcelone enflammée par des groupes d’émeutiers. Il finira gravement blessé avec la perte de la mobilité de son bras gauche. Il a reçu un pavé lancé par des manifestants enragés par la sentence du procès envoyant les dirigeants indépendantistes en prison après la tentative de sécession, tel qu’il le raconte dans le pure-player El Español.
Amnistie contre investiture
Depuis quatre ans, de l’eau a passé sous les ponts. L’ancien président catalan, Carles Puigdemont, compte depuis les élections de juillet dernier au parlement espagnol sept députés qui sont indispensables au socialiste Pedro Sanchez s’il veut être reconduit au pouvoir. Faute de majorité parlementaire, celui-ci doit créer une alliance avec les indépendantistes pour être investi Premier ministre. Le camp séparatiste demande en échange une loi d’amnistie générale afin que cessent les poursuites judiciaires enclenchées depuis la déclaration d’indépendance d’octobre 2017. Seraient amnistiés les responsables politiques poursuivis ainsi que les activistes, militants et autres membres d’associations ayant commis des irrégularités ou des délits dans le cadre du processus indépendantiste débuté en 2012.
En revanche, 45 personnes sont déjà exclues de l’amnistie : ce sont les policiers accusés d’avoir utilisé une violence non nécessaire et disproportionnée lors des interventions visant à empêcher le referendum illégal du 1er octobre. Ces agents sont actuellement traduits devant la justice. Et selon le ministère de l’Intérieur, ils ne seront pas graciés par une loi d’amnistie, car ils n’ont rien fait d’illégal. Le gouvernement a toujours nié les actions de violence policière gratuite durant le référendum.
Et les syndicats policiers sont sur la même ligne. « L’amnistie que Puigdemont réclame pour soutenir l’investiture de Pedro Sánchez est une proposition que nous rejetons catégoriquement », écrit le syndicat majoritaire des forces de l’ordre, ajoutant que « la police a été lapidée physiquement pendant les émeutes et elle est lapidée aujourd’hui institutionnellement par le projet d’amnistie ».
Les partis indépendantistes ne souhaitent pas non plus voir les agents jouir de l’amnistie. « Aucun policier n’a été emprisonné ou n’a dû partir en exil » a argumenté le président catalan Pere Aragonès. L’examen du texte de loi sur ce projet d’amnistie devra être examiné par le parlement dans les semaines qui viennent. Car si Pedro Sanchez veut le soutien des indépendantistes, la loi devra être votée avant qu’il ne soit investi président, conformément à la demande formulée personnellement par Carles Puigdemont.