“Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants”. Cette phrase n’est-elle plus que celle de contes de fée où l’amour n’est qu’une utopie ? C’est en tout cas ce que montre les chiffres du mariage en Espagne, et plus largement en Europe, ainsi que les observations sociologiques.
Photo : Clémentine Laurent/Equinox
Aujourd’hui, plus d’un mariage sur deux se termine par un divorce, en France (54%), comme en Espagne (57%). L’annulation de l’union sacrée est légale seulement depuis 1981 en Espagne. Supprimé sous la dictature franquiste, le divorce apparaît tard dans le Royaume tandis qu’il existe depuis près d’un siècle en République française. Et si Louis XVIII ne l’avait pas abrogé sous la Restauration, le divorce serait même légal depuis 1792.
L’Histoire a, de nouveau, un rôle important dans les habitudes de chacun. Les Français divorcent depuis longtemps tandis que les Espagnols, même une fois le divorce légalisé, restent frileux de cette pratique.
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C’est au début des années 2000, avec une nouvelle loi facilitant les démarches du divorce, que le tournant aura lieu. La séparation, consentie et négociée, apparaît donc en 2005. Auparavant, l’un des conjoints devait porter toute la responsabilité de l’échec du mariage.
“En 2004, l’Espagne était un des pays ayant le plus faible taux de divorces d’Europe, avec 0,9 divorce pour 1 000 habitants par rapport à une moyenne européenne de 2,0 (et de 2,2 en France), selon Eurostat. Avec la nouvelle loi, l’Espagne est devenue en quelques années un des pays d’Europe où l’on divorçait le plus : 2,8 divorces pour 1 000 habitants en 2006” explique Xavier Roigé, maître de conférence à l’Université de Barcelone en anthropologie sociale.
Les familles monoparentales : un nouveau modèle ?
En France, les stigmats autour de ce modèle sont rapidement déconstruits à partir des années 1980. En Espagne, jusque très récemment, l’image d’une mère célibataire élevant seule ses enfants était encore assimilée à une éducation et une situation instable. En effet, l’idéal d’une famille réunie et vivant ensemble persiste dans les mœurs de la société espagnole.
De manière globale, en Europe, les familles monoparentales sont plus nombreuses. Mais les causes peuvent être multiples. Si dans la péninsule ibérique, la cause principale reste le divorce, en France, ce sont les naissances hors mariage qui sont pointées du doigt.
La fin du mariage ? Pas pour tous
En 2013, la France franchit le cap du mariage pour tous après des débats houleux et une forte opposition. De l’autre côté de la frontière, le mariage homosexuel est déjà légal depuis plusieurs années. En 2005, le pays connaît les mêmes remous, mais le Tribunal constitutionnel espagnol enterre définitivement le débat. Depuis son autorisation, environ 7 000 mariages homosexuels ont lieu en France chaque année, selon l’Insee. Côté Espagne, on comptabilise entre 4 000 et 5 000 unions par an, selon Statista. Des chiffres en perpétuelle augmentation chaque année, notamment en Espagne, sauf en 2020, année du coronavirus.
La fin du modèle familial classique avec un mariage hétérosexuel et religieux, des enfants et une maison avec petit jardin, est peut-être en perte de vitesse, mais est-ce vraiment le déclin de la famille pour autant ? En Espagne, un nouveau modèle familial émerge : la famille recomposée, comme l’explique Xavier Roigé dans cet article universitaire sur l’élargissement de la famille en Espagne. En France, la création d’unions alternatives au mariage comme le Pacs redéfinit l’union entre deux personnes, et donc potentiellement la création d’une famille.
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