Et si Tanguy était en fait Espagnol ? Si c’était le cas, il y aurait également ses grand-parents, un frère ou une sœur, et pourquoi pas un oncle ou une tante, au sein de la même maison. Les clichés persistent, mais les chiffres eux ne mentent pas. En Espagne, on vit encore largement plus en famille qu’ailleurs.
Les Français quittent le domicile de leurs parents à l’âge de 23 ans en moyenne. En Espagne, c’est à 30 ans. Que vaut une telle différence ? Si le coût de la vie étudiante est un défi dans bon nombre de pays européens, l’Espagne est plus en difficulté que la France sur cette question. Les aides françaises comme la bourse du Crous ou les allocations logement permettent un meilleur tremplin ou filet de sécurité pour les jeunes voulant étudier loin de leur famille. Des paramètres financiers qu’on ne retrouve pas en Espagne, du moins pas de la même ampleur. Outre le facteur économique, il s’agit aussi et surtout d’un facteur culturel. Les Espagnols ont indéniablement un rapport différent à la famille que dans d’autres pays européens.
Une question de tradition et d’identité espagnole
Déjà à la fin du XXème siècle les démographes dessinent des particularités espagnoles au modèle familial. Par exemple, la protection, dans le sens affectif, physique, comme économique, est une notion forte dans les familles espagnoles. Des valeurs et des modes de vie différents en Espagne expliquent en partie cette tendance à habiter en famille par rapport aux autres pays européens. Cela prend évidemment racine dans l’Histoire, avec une religion catholique forte et toujours très implantée. Même si l’on constate une évolution en baisse, 70% de la population espagnole se déclare croyant catholique, selon le baromètre du Centros de Investigations sociologica en 2017.
Le passé franquiste de la péninsule ibérique a également inculqué la valeur de la famille traditionnelle et conservatrice comme un pilier, ce qui perdure encore aujourd’hui dans les mœurs. La famille passe avant tout et contre tout.
La famille espagnole à contre-courant ?
En Europe et partout dans le monde occidental, le modèle familial a fortement évolué durant ces trente dernières années. Des familles se sont rétrécies, avec notamment l’apparition de divorces massifs, de familles monoparentales, ou alors de couples sans enfants illustrant une baisse de la natalité. Mais en Espagne, la tendance garde davantage ses traditions.
De plus, les autres formes de cohabitations alternatives, comme la colocation par exemple, même si très présentes à Barcelone, restent marginales par rapport au foyer familial.
Des foyers multigénérationnels
Encore aujourd’hui, on retrouve des foyers où cohabitent trois générations. La maison de retraite à 65 ans ? Pas question. En Espagne, déjà dans les années 1990, le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans vivant en famille était de plus de 34 %, soit plus d’un tiers de la population, selon une étude démographique de l’AIDELEF. En allant même plus loin, cette étude montre que dans 10% des cas, on retrouve une personne âgée de plus de 80 ans vivant dans le foyer. Il y a trente ans, plus de familles cohabitaient avec des personnes âgées qu’avec des enfants de moins de 6 ans, comme le démontre à nouveau cette étude démographique.
Aujourd’hui, le monde fait face à une multiplication des ménages, mais de plus en plus réduits. Beaucoup plus de jeunes et de personnes âgées vivent seuls. L’Espagne, suivie de près par l’Italie, reste une exception à cette triste tendance. Mais attention, ce n’est pas parce que les Espagnols ne suivent pas le même chemin, qu’ils ne connaissent pas de changements. Si la famille reste centrale dans la vie des hispanophones, le mariage religieux est de plus en plus en déclin, remplacé par celui civil. Un fait qui illustre tout de même une évolution du modèle familial espagnol.
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