L’Espagne au bord du grand chamboulement institutionnel

Espagne

L’Espagne est bloquée en raison du résultat des élections législatives du 23 juillet dernier. Ni droite, ni gauche n’ont de majorité au parlement pour gouverner. Seuls les 7 députés ultra-indépendantistes catalans peuvent débloquer la situation et provoquer un chamboulement institutionnel.

En cette chaleur écrasante du mois d’août, les yeux des responsables politiques et des commentateurs auraient dû scruter l’horizon rafraîchissant de l’océan de Galice. Le conservateur Alberto Feijòo est originaire de cette région et se préparait à prendre les rênes du pays. Las, la victoire de la droite tant espérée par le Partido Popular (PP)  n’est pas arrivée le 23 juillet, et le bloc conservateur est resté bloqué à 170 députés, à 6 élus de la majorité absolue requise pour investir un Premier ministre et gouverner l’Espagne. Le Premier ministre socialiste sortant n’a pas non plus de majorité avec 153 sièges.

Les regards ne se tournent plus vers la Galice, mais en direction de Waterloo, où réside en exil pour échapper à la justice Carles Puigdemont, ancien président catalan auteur de la déclaration d’indépendance de 2017. Avec ses 7 députés, le parti de Puigdemont peut offrir la majorité nécessaire à la gauche… comme à la droite.

Desserrer le nœud coulant centraliste

Depuis fin juillet, les commentateurs politiques analysent un éventuel accord entre les socialistes et indépendantistes catalans. Avec à la clé une profonde réforme de l’État espagnol. À mi-chemin entre le centralisme français et le régionalisme allemand, le système espagnol offre des compétences aux régions tout en les surveillant de près avec un esprit paternaliste. Pour être investi, Pedro Sánchez pourrait desserrer le nœud coulant centraliste et offrir de nouvelles compétences à la Catalogne, mais aussi au Pays Basque qui seconde les premiers.

La gauche est moins à cheval que la droite sur la sacro-sainte unité de l’Espagne et pourrait vendre des pans entiers de la patrie aux nationalistes basques et catalans, s’angoisse la presse conservatrice. Une opération dans laquelle la marge de manœuvre de Pedro Sánchez est quasi nulle : la seconde chambre du Sénat est dirigée par la droite, les contre-pouvoirs (tels que le Conseil Constitutionnel) est un terrain de chasse des conservateurs, qui pourront mettre fin rapidement à toute reforme territoriale qui n’est pas à leur goût.

Coup de théâtre

Et si finalement, cette réforme fondamentale venait de la droite ? Le Partido Popular est enlisé dans le dossier catalan depuis 2017, après que le gouvernement Rajoy ait ordonné des charges violentes de la police contre les votants du référendum illégal du 1er octobre 2017 et pour avoir incité ensuite la justice à envoyer le gouvernement de Puigdemont en prison. Dès lors, les résultats électoraux du Partido Popular sont misérables en Catalogne, mais aussi au Pays Basque, région identitaire.

De plus, aucun parti conservateur basque ou catalan ne veut pactiser avec la droite, se jetant dans les bras des socialistes afin de faire barrage aux conservateurs. Certains stratèges du PP commencent à penser que face à tel scénario, la droite ne reviendra jamais aux affaires. Et si Albert Feijóo, figure de l’aile centriste du PP, renversait la table et s’ouvrait à pactiser avec Puigdemont la réforme de l’Etat ?

C’est la seule possibilité du candidat de se faire investir Premier ministre et de ne pas partir en retraite politique anticipée. Ça serait également, pour le PP, l’occasion d’arracher la page de 2017 et de retrouver des suffrages en Catalogne et au Pays Basque. Enfin, ce serait pour les indépendantistes la garantie que le conseil constitutionnel ne renverse pas une réforme territoriale, la gauche n’ayant pas l’autorité morale pour s’opposer à un tel projet.

Un chemin qui reste étroit, serpenté et en montée. Vox, l’extrême-droite alliée au PP et disposant de 32 députés, devrait donner son feu vert. Or Vox souhaite réduire les prérogatives de la Catalogne, pas les augmenter. Mais dans la politique espagnole, tout est toujours possible. Le premier test sera le 17 août, lors de la formation du parlement. Les socialistes et le Partido Popular ambitionnent d’accéder à la présidence de l’institution. L’un comme l’autre ont là aussi besoin des voix des députés de Puigdemont pour y arriver. Les regards restent fixés sur Waterloo.

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