Carles Puigdemont faiseur de Premier ministre en Espagne

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Suite à l‘élection législative de dimanche 23 juillet, la coalition de gauche soutenant le Premier ministre sortant Pedro Sánchez, détient 172 sièges. Le bloc conservateur possède 171 députés. De fait, ni l’un ni l’autre n’atteint la majorité absolue de 176 sièges pour gouverner. Les 7 parlementaires ultra-indépendantistes de Junts pourraient faire pencher la balance en faveur de Sánchez, si celui-ci s’engageait à convoquer un référendum indépendantiste, ce qui est quasiment impossible du point de vue constitutionnel. Pourtant, Pedro Sánchez veut tenter le coup. Décryptage. 

Que le socialiste Pedro Sánchez tente de convaincre Carles Puigdemont de l’investir Premier ministre, c’est comme si Emmanuel Macron essayait de nouer un accord avec un antivax. Antisystème, tête brûlée, idéologue, jusqu’au boutiste, tous les traits de caractère de l’ancien président catalan semblent l’éloigner d’un accord avec le chef du gouvernement sortant.

Le politique

En exil à Waterloo depuis maintenant six ans, l’ancien maire de Gérone est l’homme du « non », comme il a encore rappelé hier dans un long message sur le réseau social Twitter. Son parti Junts a déjà répondu par la négative à l’investiture de Pedro Sánchez en 2019, et ses quatre députés n’ont jamais voté les budgets de l’Espagne.

Par ailleurs, on voit mal un soutien à Pedro Sánchez alors que Carles Puigdemont a fait en sorte que les ministres de son parti quittent le gouvernement catalan en octobre dernier, dans le cadre de la coalition avec la gauche républicaine (ERC). Puigdemont a ainsi voulu mettre la pression sur le président de la Generalitat, Pere Aragonès, accusé de mollesse indépendantiste. Par ce geste, Junts a perdu tous les postes à responsabilité en Catalogne et des millions d’euros en salaire pour ses cadres. Un sacrifice justifiable pour cet adepte de la terre brûlée.

Un concept kamikaze qui sera répété en juin dernier, quand Junts a mis fin à son alliance avec les socialistes au conseil départemental de la province de Barcelone, pour ne pas apporter un soutien à un parti non indépendantiste. En 2019, la frange modérée de Junts avait réussi à passer au-dessus de Puigdemont pour co-gouverner cette institution avec les socialistes, et ainsi gérer ses 1,2 milliard d’euros de budget annuel. En 2023, Puigdemont s’est personnellement investi pour faire capoter l’accord. Des centaines de cadres du parti sont restés sur le carreau. « On se fiche de la gouvernabilité de l’Espagne, ce que l’on veut, c’est la Catalogne d’abord », clamait dimanche soir, la cheffe des députés de Junts, Myriam Noguerras. « Nous n’investirons aucun président espagnol qui refuse de pactiser un référendum d’autodétermination », complétait Laura Borras, numéro une du parti.

La psychologie

Au-delà de l’aspect politique, il faut savoir lire Puigdemont par la psychologie, et c’est un homme blessé. Il se sent trahi depuis 2017, quand nombre de responsables indépendantistes se sont embarqués dans l’aventure unilatérale du séparatisme. « Je préfère convoquer des élections, plutôt que de distribuer à l’étranger des cartes de visites d’une République fictive », déclarait-il à la veille de la déclaration d’indépendance. Les leaders de la gauche républicaine et les forts en gueules ont dissuadé le président de convoquer des élections pour sortir de l’impasse dans laquelle il était entré, et de plutôt proclamer l’indépendance. Les mêmes dans les mois suivants qui ouvriraient une collaboration avec le gouvernement espagnol. Un fait, que Puigdemont n’a jamais digéré. Dans son long message hier sur Twitter, Puigdemont se désole du mépris auquel son parti et sa personne sont confrontés depuis des années.

Le judiciaire

Enfin, il y a le volet judiciaire. En même temps que la gauche réclame le soutien de Puigdemont, le parquet espagnol (très à droite) demande au Tribunal Suprême de réactiver le mandat d’arrêt pour juger l’ancien président dans le cadre de la déclaration d’indépendance de 2017. Investir un Premier ministre espagnol et ensuite se faire capturer par la justice est le pire cauchemar de Puigdemont.

Sauf surprise, l’exilé ne bougera pas le petit doigt pour investir Pedro Sánchez pour un nouveau mandat. « On ne déjeune pas avec le diable, même avec une très longue cuillère », se plaisait à dire Raymond Barre. Cette fois-ci, c’est le diable qui refuse d’inviter à sa table.

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