Joan Miró, le génie surréaliste qui a marqué la France

Cet été, Equinox revient sur les personnalités catalanes qui ont laissé leur empreinte en France. Grande figure de l’art du XXème siècle, Joan Miró partage sa vie et sa carrière entre l’Espagne et la France, en particulier entre Barcelone, Majorque et Paris. De quoi le surnommer le « catalan international ». Mais qu’a-t-il véritablement apporté à la France ? Eléments de réponse. 

Né en 1893 à Barcelone, l’artiste quitte la capitale catalane à 26 ans pour rejoindre Paris. Son style inspiré du cubisme, du fauvisme et de l’impressionnisme ne connaît pas un franc succès auprès des Catalans et Espagnols. Il part donc tenter sa chance en France, ce qui lui vaudra une belle réussite, qu’il n’aurait pu imaginer.

L’ami des plus grands artistes français

À Paris, il fait de nombreuses rencontres et se lie d’amitié avec Guillaume Apollinaire, Louis Aragon, Jacques Prévert, Paul Eluard, René Char ou encore André Masson. Jacques Prévert lui dédiera même un poème intitulé Miroir Miró.

Mais la rencontre qui changera tout sera celle avec l’autre génie espagnol, Pablo Picasso. Et ce n’est pas à Barcelone, ni même en Espagne que les deux maîtres se croiseront, mais bien en France. Si la capitale française, déjà à l’époque, est le lieu tant convoité par les artistes du monde entier, il s’agit, selon Miró, d’ « un triomphe, comme à Rome avant, [qui] ouvrait toutes les portes ».

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Pablo Picasso (à gauche) et Joan Miró (à droite). ©Jacqueline Picasso

Amis, de dix ans d’écart, Miró et Picasso sont aussi rivaux. Tous les deux faisant partie du même mouvement surréaliste, qui deviendra le cubisme ensuite pour l’un des deux.

Miró, « le plus surréaliste d’entre nous »

Très bien entouré à Paris, l’artiste catalan n’en reste pas moins pauvre. À ses débuts, ses œuvres ne lui rapportent que très peu d’argent, il vit donc difficilement. Sous-nourri, il peint ses hallucinations liées à la faim dans Le Carnaval d’Arlequin, qui est encore aujourd’hui l’une de ses œuvres les plus célèbres. Un symbole fort, puisqu’il représente d’une certaine manière la pauvreté et la famine qui règne dans la ville lumière à l’époque, malgré le fantasme des années folles et de l’abondance.

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Le Carnaval d’Arlequin, Joan Miró, 1924-1925

La même année, il signe le Manifeste du surréalisme, rédigé par le Français André Breton, avec Louis Aragon, Paul Eluard et Phillippe Soupault. Cette signature officialise en quelque sorte son entrée dans l’Ecole surréaliste.

Le poète normand décrit d’ailleurs son collègue catalan comme « le plus surréaliste d’entre nous ». Vrai moteur de ce mouvement, il en sera ensuite écarté à cause de visions divergentes.

Pour autant, c’est grâce à lui que Salvador Dalí intègre ce même courant. En présentant son homologue catalan aux autres artistes du mouvement, la France découvrira le talent de Dalí qui deviendra, lui aussi, l’un des plus grands peintres du XXème siècle.

Un artiste engagé, même en France

Si l’Exposition universelle de Paris est aujourd’hui majoritairement associée à la création de la Tour Eiffel, c’est aussi le théâtre de revendications politiques, notamment en 1937. Alors que les régimes autoritaires prolifèrent en Europe, les artistes en profitent pour s’exprimer, de manière plus ou moins subtile. Joan Miró affichera son soutien aux Républicains espagnols, alors que la guerre civile vient d’éclater, avec une affiche. L’inscription est explicite : « Aidez l’Espagne ». Depuis la France, puisqu’il se réfugie en Normandie avec sa famille pendant le conflit, il lance un appel à l’aide, notamment à l’État français, pour soutenir les Républicains face au général Franco.

Engagé, il représentera aussi lors de cette Exposition universelle, à côté du célèbre tableau Guernica de Pablo Picasso, un paysan catalan en lutte contre Franco, dans un immense tableau intitulé Le Faucheur.

Autre preuve d’amour à la France de la part de l’artiste catalan, les titres de ses œuvres sont toujours en Français. « C’était la langue dans laquelle il formulait ses pensées« , explique son petit-fils, Joan Punyet Miró.

L’oiseau bleu, timbre mythique de La Poste en France

L’artiste connaîtra le succès à partir des années 1960. C’est donc presque logiquement qu’en 1974, le Ministre des Postes et Télécommunications en France, Hubert Germain (1972-1974), lui confie la création du premier timbre de la « Série Artistique ». Premier artiste à collaborer avec La Poste, il réalise un oiseau bleu (et rouge) devenu mythique.

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L’oiseau bleu, Joan Miró, 1974, gouache et encre de Chine, 30,4 22,4 cm

Ce timbre-poste sera tiré à 6,8 millions d’exemplaires. Plus qu’une réussite, un exploit. Désormais, et grâce à cet oiseau bleu, Miró est populaire dans tout l’Hexagone. L’œuvre originale a d’ailleurs été vendue aux enchères l’année dernière, pour une jolie somme de 380 000 euros, à Paris.joan miro a marqué la France

En plus d’être initiateur d’un des mouvements artistiques les plus importants du XXème siècle, Joan Miró a propulsé d’autres artistes sur le devant de la scène, tels que Pablo Picasso ou encore Salvador Dalí. Il est également devenu un artiste populaire en France, tout en partageant ses valeurs et engagements.


À noter dans vos agendas : À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Picasso, la Fundació Joan Miró et le Museu Picasso ont conjointement préparé une grande exposition, du 19 octobre 2023 au 25 février 2024, pour rendre hommage aux deux génies. Des œuvres que Miró et Picasso ont présenté lors d’expositions conjointes seront exposées, ainsi que des témoignages sur leur amitié/rivalité.

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