Les vagues de chaleurs de l’été 2022 ont marqué les esprits, avec un mois de juillet qui a été le plus chaud jamais mesuré à l’échelle mondiale. Avec une hausse de 16,7 % des décès et des températures ayant atteint plus de 42 °C durant cette période, il est majeur d’identifier les personnes les plus vulnérables pour faire face au changement climatique et à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence de ce phénomène.
Dans ce contexte et face au dernier rapport du GIEC qui alerte sur l’accélération du changement climatique, on peut s’interroger sur quels sont les facteurs de vulnérabilités auxquels font face certains groupes de la population. Certains sont assez évidents, comme l’âge ou la localisation : celle-ci joue un rôle important dans des régions davantage exposées aux vagues de chaleurs extrêmes – comme l’Auvergne-Rhône-Alpes exposée à plus de 20 journées anormalement chaudes par an au cours des mois de juin, juillet et août ces dernières années. Ce sont les facteurs que l’on dit tangibles, que l’ont peut mesurer ou quantifier. Mais d’autres facteurs, plus surprenants et plus intangibles, tels que la santé mentale, sont aussi mis en avant par la littérature en économie.
Âge, mal-logement… des facteurs tangibles
Sans surprise, l’âge joue un rôle prépondérant dans cette vulnérabilité : les personnes âgées courent bien sûr un risque plus fort en cas de vague de chaleur. Ainsi, durant l’été caniculaire de 2022, les décès ont augmenté de 20,2 % chez les personnes de plus de 75 ans en raison de leur fragilité liée aux maladies chroniques. Les personnes qui déclarent souffrir de la chaleur en été habitent quant à elles souvent des logements mal isolés, difficiles à ventiler, avec des températures maximales atteintes en été dans le logement dépassant les 30 °C – elles sont également victimes de surpeuplement.
Le concept de confort thermique prend tout son sens. La qualité des logements et la présence d’équipement de confort qui permettent de s’adapter face aux vagues de chaleur comme les systèmes de climatisation vont influencer le degré de vulnérabilités de ses occupants. Les données d’une enquête que nous avons menée révèlent que seuls 22,7 % des ménages disposent d’un système de climatisation (mobiles ou fixes) en 2020 alors que 7 personnes sur 10 vont être exposées chaque année à des chaleurs intenses.
Adaptation, santé mentale… des facteurs intangibles
Quant aux facteurs intangibles, dont la relation avec les vagues de chaleur semble moins évidente, la littérature à la fois économique et psychologique se penche de plus en plus sur le lien entre capacités cognitives et adaptation aux évènements extrêmes. L’habileté cognitive d’un individu va influencer son processus de décision, de réflexion mais aussi sa perception de certaines situations et sa capacité à adopter des comportements adéquats.
Plus précisément, l’état de dépression a été identifié comme exerçant un effet négatif sur la probabilité de réagir avec un comportement adéquat face aux vagues de chaleurs extrêmes. Constat qui peut être expliqué par des facultés exécutives ou de mémoire réduites mais aussi par un processus de décision fortement guidé par les émotions. En générant un sentiment pessimiste, d’impuissance et de fatalité face à sa vie et à son avenir, les personnes en état de dépression vont à la fois restreindre leur adaptation face aux vagues de chaleur et augmenter ainsi leur vulnérabilité.
Ce point est d’autant plus important que les capacités cognitives des individus diminuent avec l’âge et qu’actuellement près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie.
Des inégalités accentuées
Par ailleurs, dans ce contexte où l’adaptation va être un outil pour faire face à sa vulnérabilité, la question de l’accentuation des inégalités se pose. Que ce soit par la rénovation thermique de son logement, l’acquisition d’un système de climatisation ou par l’augmentation de sa facture d’énergie pour se rafraîchir, l’écart avec les ménages les plus modestes va se creuser.
Le coût de cette adaptation ne va pas être à la portée de tous les ménages et va laisser certains foyers dans des situations critiques où ils seront grandement exposés aux conséquences sanitaires des vagues de chaleur. On constate ainsi des écarts selon les quintiles de revenus et les taux d’équipement des ménages pour faire face au changement climatique. Le constat est sans appel : les ménages les plus aisés seront plus en mesure de faire face aux vagues de chaleur extrêmes.
Malheureusement, les inégalités économiques ne sont pas les seules qui pourraient être exacerbées. Les problèmes d’accès aux soins peuvent aussi être des sources d’inégalités face aux vagues de chaleur. Les personnes malades, physiquement et mentalement, vivant dans des déserts médicaux et exposées aux vagues de chaleur risquent de voir leur état de santé se dégrader. Il va donc être plus que nécessaire de trouver des solutions pérennes dans la décennie à venir pour combler ces facteurs de vulnérabilité, en assurant le confort thermique tout en veillant à ne pas creuser les inégalités.
Margot Zambon, stagiaire à l’IAE/IREGE, a contribué à la rédaction de cet article.
Dorothée Charlier, Maîtresse de conférences en économie de l’énergie et de l’environnement, IAE Savoie Mont Blanc
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.