Depuis quelques mois, Barcelone connaît une augmentation importante du nombre de Français qui s’installent. Pourtant, cette réalité s’avère difficile à quantifier. Entre contrats français et démarches administratives compliquées, les expats sont de plus en plus nombreux à vivre sans se manifester auprès des autorités locales, faussant ainsi les statistiques.
Photo : Clémentine Laurent
« Ce fut un virage radical, nous avons tout vendu en France pour commencer une nouvelle vie à Barcelone » raconte Christophe. Le Français a débarqué avec sa famille il y a deux ans. Si leur cœur balançait entre l’île Maurice et la capitale catalane, cette dernière l’a remporté pour de nombreuses raisons, notamment l’environnement tech, le système de santé, l’éducation, et bien sûr le mode de vie. « Barcelone est une expatriation rassurante grâce à la proximité avec la famille en France, et l’importante communauté française. Nous ne regrettons pas notre choix, même si je pense que l’on idéalise un peu la ville avant de s’y installer » ajoute-t-il.
Cependant, la nouvelle famille n’apparaît pas qu’à moitié dans les chiffres. Elle ne se dote que d’un NIE, numéro d’identité pour les étrangers en Espagne, et de deux padrón, l’inscription au registre municipal, pour un foyer de deux adultes et deux enfants. « On s’en sort de cette façon, nous n’avons pas le temps, ni la motivation de relancer les rendez-vous et les dossiers pour d’autres demandes. Je crois qu’il est typiquement français de faire les démarches administratives à moitié » confie Christophe.
Beaucoup sont aussi ceux qui font l’impasse sur l’inscription au consulat, non obligatoire et souvent vue comme peu utile à deux heures de la France. Comme nous l’écrivions dans nos colonnes en novembre dernier, en vingt ans la communauté française est passée de 7 199 à 47 839 à Barcelone, d’après les chiffres du gouvernement catalan. Le registre de la mairie affiche 18.417 Français inscrits au 1er janvier 2022, contre 17.433 en 2020. Ainsi, difficile de savoir sur quels chiffres officiels se baser.
De son côté, une équipe de data analystes français de la Wild Code School a réalisé une étude en se fondant sur plusieurs sources. Elle estime la communauté française de Barcelone à 53.000 personnes, un chiffre possiblement sous-évalué compte tenu des difficultés de recensement.
Une vague d’arrivées de Français à Barcelone
Le cas de Christophe serait loin d’être isolé. Álvaro Otal Montasell est responsable de l’entreprise de relocation Expatriacíon. Il constate que plusieurs de ses clients s’installent, sans s’enregistrer auprès des autorités locales. « En général, nous réussissons à obtenir un rendez-vous pour le NIE ou le padrón sous quelques jours à Barcelone. Parfois, les créneaux disponibles sont repoussés à deux voire trois mois en dehors de la ville » détaille-t-il.
De plus, Álvaro indique recevoir trois à dix demandes par jour de Français souhaitant déménager à Barcelone depuis janvier. « C’est un chiffre énorme, car de surcroît, nous ne sommes pas les seuls à proposer des services de relocation. Certes, nous avions beaucoup de demandes post-Covid, mais là nous observons une recrudescence ».
Cependant, 15 à 20 % des projets n’aboutissent pas face aux prix des loyers et au marché de l’emploi. « C’est la désillusion, le budget moyen est de 1 650 euros, ce qui peut être insuffisant pour un appartement familial de plusieurs chambres dans certains quartiers ».
Depuis plusieurs mois, le professionnel décèle même un profil type : un couple de trentenaires dont l’un est à 100 % en télétravail et l’autre trouve un emploi en arrivant, avec un ou deux enfants. En l’absence de contrainte géographique, ces familles, plutôt CSP+, font un vrai choix de vie. Elles affirment rechercher un environnement agréable, loin de l’animosité en France.
Par ailleurs, d’autres profils ne sont pas systématiquement recensés. Par exemple, les étudiants de passage, ainsi que les expatriés mutés, les « digital nomad » ou les salariés ayant un contrat de travail à l’étranger.
Le dynamisme de la tech barcelonaise
Les Français affluent pour le cadre de vie, et également pour l’écosystème professionnel. Guillaume Rostand, président de la French Tech Barcelona en témoigne. « Singulièrement depuis janvier, nous recevons entre trois et cinq demandes par semaine de personnes qui cherchent, depuis la France, un emploi à Barcelone. Sachant que nous sommes loin d’être contactés par tout le monde, cela démontre néanmoins une accélération dans le nombre de demandes, au moins deux fois plus qu’en 2022 ».
Outre les talents à la recherche d’un emploi, les entrepreneurs sont aussi séduits par cet environnement. Ce contexte a permis à Christophe de s’intégrer rapidement. « J’ai créé une nouvelle société en arrivant ici. Les Français sont très actifs et s’entraident énormément, c’est un vrai atout ».
S’il est difficile de recenser les Français résidant à Barcelone, il reste certain que la communauté ne cesse de s’agrandir année après année. Elle pourrait même atteindre les 63 000 personnes en 2027, d’après un scénario élevé de l’équipe de data analystes français de la Wild Code School. Certains parlent déjà de 80 000. L’image de Barcelone vue comme un eldorado pourrait perdurer.
